le Gang devant le monument de François Mireur à Escragnolles
Avant de vous narrez le périple de l’empereur sur sa fameuse première étape de Golfe Juan à Escragnolles, laissez moi tout d’abord vous parler de ce petit village de montagne inclus tout récemment dans le parc régional des Prés Alpes d’Azur. Le territoire d’Escragnolles ou Escragnolo en langue locale est habité depuis l’époque préhistorique. En témoignent les nombreux abris sous roches, grottes et autres camps Celto-ligures qui parsèment le terrain, sans oublier les dolmens.
Au milieu du Moyen-âge, le lieu est déclaré inhabité, c’est-à-dire sans communauté constituée, juste quelques peuplements épars, par suite des épidémies de pestes successives, des ravages causés par les bandes armées, entre autre les troupes de Raymond de Turenne, le « fléau de Provence ». A la fin du 16eme siècle et à la suite de la peste , la population du petit hameau fut anéantie.
Le seigneur Henri de Grasse, avec sa fille Françoise qui possédait des terres à Escragnolles, manquant de bras pour les faire fructifier, passe contrat avec la communauté de Mons afin de faire venir des gens de la région Génoise ,les Figouns* , grands mangeurs de figues et parlant le Figoun qui créeront les hameaux et remettront la terre en état. Un acte d’habitation fut signé en 1562 et des familles ligures vinrent s’installer. Actuellement, les noms des descendants de plusieurs d’entre elles sont toujours propriétaires sur la commune.
Au cours des siècles, une économie agro-pastorale permit aux habitants de subsister, difficilement car la terre était pauvre et le climat rude. La population, au cours du 20eme siècle diminua progressivement, mais depuis une vingtaine d’année la courbe s’est inversée grâce à la venue de « rurbains » de plus en plus nombreux. Le village et ses hameaux essaient de conserver leur caractère rural et montagnard, tout en se projetant dans l’avenir.
La commune très étendue, est constituée de 12 hameaux et le patrimoine est très diversifié. Commune des Alpes-Maritimes de 602 habitants, située dans l'arrière pays Grassois. Ses douze hameaux s'étalent sur une superficie de 25,4 km² avec une altitude moyenne de 1000 mètres. Les habitantes et les habitants d'Escragnolles s'appellent les Escragnolloises et les Escragnollois. Lieu privilégié pour la recherche de fossiles, le village est situé en dessous de la route Napoléon, à flanc de collines, au milieu des peupliers et des cerisiers.
Chaque été, le dernier dimanche de juin, Escragnolles célèbre les ânes. Au quartier de La Colette, des ânes de toutes les régions de France sont rassemblés. Voilà dix sept ans déjà que la fête de l'âne est devenue un événement majeur dans la commune qui y voit affluer des visiteurs par milliers, attirés chaque année par la convivialité de cette animation qui met la race asine en vedette. Il est vrai qu'ils ont tout pour plaire. Regard chaud et brillant, longues oreilles veloutées, poil soyeux dans une belle variété de robes.
Ils sont encore très nombreux à prendre le chemin du haut pays Grassois sur la route Napoléon pour cette manifestation qui regroupe des ânes venus de diverses régions et montre ainsi la diversité des espèces, même si le grand favori reste notre âne du sud alpin, c'est bien normal, il figure en bonne place dans le concours organisé à cette occasion. Vedettes de la fête, bien sûr, il porte la croix de Sant Andréa sur le dos. Un symbole lié à l'apôtre, et au passage des Juifs sur la mer rouge.
Un trappeur Grassois et ses fourrures
Mais c'est peut-être aussi, dans l'esprit des défenseurs des animaux, la marque des lourdes charges que cette race a portées sur son échine, au fil des siècles. Porteurs robustes, au pied sûr et au caractère facétieux, ils ont arpenté les sentes méditerranéennes montagneuses, bâtés pour apporter l'eau dans les maisons, le bois dans les foyers, les pierres des restanques...
Cette présentation s'accompagne de multiples stands représentatifs de l'artisanat, des étals pour acquérir objets utiles ou décoratifs et produits de bouche, de balades en calèche, de lâchers de ballons, des musiques jazzy, de démonstrations d'un maréchal-ferrant et d’un sculpteur sur bois à la tronçonneuse, plus de 100 ânes qui nous attendent dans ce petit village des Préalpes grassoises. Plus de 15 000 visiteurs pour cet événement annuel !
L'un de ses enfants est célèbre, François Mireur né à Escragnolles le 5 février 1770. Il se distingue par sa bravoure dans l'Armée d'Italie et est fait général par Napoléon Bonaparte. En 1792, il se rend à Marseille pour organiser la fusion des volontaires des deux villes qui s'engageaient pour combattre l'Autriche. Le 22 juin, au cours du repas donné en son honneur au lendemain d'un discours devant le club des Amis de la Constitution, il entonne pour la première fois le Chant de Guerre pour l'Armée du Rhin, composé par Rouget de Lisle.
Adopté par les volontaires marseillais qui le chanteront au cours de leur marche vers Paris en juillet, le chant deviendra ainsi la Marseillaise. Napoléon fit une halte à Escragnolles à son retour de l'île d'Elbe et demanda à rencontrer la mère du général Mireur. Une grande plaque en faïence colorée en l'honneur de "François Mireur Héros de la Marseillaise" est apposée à l'entrée d'Escragnolles.
Son nom est inscrit sur la 28e colonne de l'arc de Triomphe (au sommet du pilier sud, face à l'avenue Kleber) et sur les tables de bronze des galeries historiques de Versailles. Dans mon prochain épisode, nous parlerons de cette fameuse étape qui mena l’Empereur de Golfe Juan à Escragnolles en passant par Grasse. La route Napoléon ici devient légende !
*Le terme Figoun désigne les personnes et parlers originaires de l'extrême ouest de la Ligurie venus en Pays niçois et Grassois aux XVe siècles pour repeupler des villages victimes de la peste: Biot et Vallauris (aux environs d'Antibes), Grasse, Mouans Sartoux ainsi qu’Escragnolles (à l'ouest de Grasse).
Selon Frédéric Mistral, le nom proviendrait du hameau de Figounia, dans l'actuelle province d'Imperia voisine de Nice. Ce sont essentiellement les bergers des Alpes-Maritimes qui transhumaient sur la côte qui ont ainsi nommé les Ligures « maritimes » et ceux qui parlent les dialectes ligures de la côte ou de la montagne. L'origine du mot Figoun remonte probablement au Moyen Âge et se référerait aux vendeurs itinérants de figues sèches, fruit qui abonde dans la région et remplaçait, chez les pauvres, le sucre et le miel.
Dans le prochain episode sur le village d'Escragnolles , je vous conterai l'epopée de la premiere etape de l'empereur jusqu'au village de François Mireur. Cette etape est considéré comme la plus mythique de la route Napoléon.
DIAPORAMA DE LA FETE