L'école communale n'est pas grande...
A une demi-heure de la mer (25 kilomètres de Nice) perché sur un éperon rocheux, laissez vagabonder votre imagination dans un voyage hors du temps en flânant dans les ruelles étroites, les passages couverts et voûtés, les grilles anciennes des jardins offrant la transparence du panorama de la vallée.
Cadrans solaire réalisés par Ben et Sacha Sosno
Ne résistez pas à l'envie de monter sur la place de l'église avec sa fontaine et ses deux cadrans solaires et laissez-vous conter par un "ancien" l'histoire de la Reine Jeanne de Naples qui mangea ses enfants, ou les légendes de sorcellerie et de diable qui se coupa la queue prise dans la glu pour échapper aux Coaraziens qui l'avaient capturé.
Village du bout du monde au nom étrange Coaraze « Coa Raza » Queue Rasée en niçois, étend son domaine sur 1714 hectares de mimosas, oliviers, cyprès, chênes, châtaigniers et pins. Si Coaraze est connu comme "le village du soleil", ce n’est pas uniquement pour son ensoleillement exceptionnel, mais aussi à la volonté de Paul Mari un natif du pays féru de poésie.
Poeme en langue niçoise sur les fils du Paillon, les résistants niçois barbets
Elu maire en 1953, il organise les "Rencontres Poétiques" présidées par Jean Cocteau et lance un projet de douze cadrans solaires qui seraient des oeuvres d’art, dont il avait eu l’idée avec ses amis Jean Cocteau et Gilbert Valentin (céramiste célèbre de Vallauris).
Cadran solaire Fabienne Barre (photographe)
Les 12 premiers cadrans ont été installés en avril 1961 sur la façade de la mairie : parmi eux, celui de Cocteau intitulé "Les lézards", le lézard étant l’ emblème des armoiries de Coaraze. Six cadrans ont été réalisés par Cocteau, les autres étant signés Gilbert Valentin, Mona Cristie, Georges Douking, Henri Bernard Goetz, Ponce de Léon.
En haut cadran de Henri Maccheroni (plasticien)
Le projet a été par la suite abandonné. Paul Mari a su convaincre le maire Michel Péglion de reprendre et de poursuivre le projet. Cinq nouveaux cadrans ont vu le jour en 2008, signés Patrick Moya, Ben, Sacha Sosno, Fabienne Barre, Henri Maccheroni.
La Fontaine de Coaraze, à gauche l'enfant du Paillon et le Cadran solaire, le python et sa couronne en vert et or Henri Bernard Goetz
Le village le plus ensoleillé de France parmi les cent cinquante plus beaux répertoriés, devient celui des cadrans solaires artistiques réputés. Le lézard, il en est question dans le blason du village, d’or au lézard d’azur montant, la queue défaillante en pointe: Pourquoi, me demanderez-vous, un lézard à la queue défaillante, c’est-à-dire coupée ?
Cadran solaire Jean Cocteau "les lézards"
Parce qu’en niçois coa raza se traduit par « queue rasée ». Il s’agit donc d’une étymologie populaire basée sur un jeu de mots. Il ne restait plus qu’à la justifier et, je m’empresse de vous raconter.
Cadran Solaire Georges Douking les animaux fabuleux
Des enfants de Coaraze jouaient près du Paillon, la rivière que domine leur village, quand un gros lézard s’approcha d’eux mais sans les effrayer: ils en avaient vu tant d’autres ! Soudain pourtant, un des enfants, croisant son regard, s’aperçut qu’il avait des yeux rouges comme la braise. Alors, là,c'est la panique générale !
Ces villages de l'arrière pays niçois sont tous de culture italianisante.
Il s’agissait sans aucun doute du Diable aux yeux de feu dont on leur rebattait les oreilles tous les dimanches. Les enfants s’enfuient, un vol de moineaux n’aurait pas été plus vif et retrouvent leurs parents à qui ils racontent leur aventure. Ni une ni deux, les villageois se lancent à la poursuite du Malin déguisé en lézard et finissent par le saisir par la queue…
Mais, on le sait, le lézard est capable d’autonomie et il en profite pour leur filer littéralement entre les doigts en ne leur laissant que le petit bout de sa queue comme souvenir, qu’ils s’empressèrent de graver dans le métal de leur blason.
Il existe une autre légende bien plus élaborée (il s’agit d’ailleurs plutôt d’un conte écrit au XIXe siècle) pour expliquer cette étymologie populaire, mais elle serait bien trop longue à vous raconter. Comment ça, vous avez le temps ? Bon, d’accord. Au-dessous de Coaraze, il est un village au fond de la vallée, comme égaré, presque ignoré du nom de Contes.
Son curé, à l’époque où se situe l’histoire, était aussi zélé que rigoriste, au point par exemple d’interrompre le baiser des mariés quand il outrepassait les critères de décence par lui fixés. Mais les Contois l’étaient beaucoup moins que lui et, exaspérés par ses sermons dominicaux, ils décidèrent d’y mettre fin.
Ils firent appel pour cela à un de leurs meilleurs experts en la chasse aux oiseaux à la glu, qui répondait au joli nom de Chiapatoute. Il décida, avec l’aval de ses compatriotes, d’enduire de colle ( lou visc) le siège du curé. Quelle rigolade quand, le dimanche suivant, le curé ne put se décoller de sa stalle sans y abandonner sa chasuble !
La vallée du Paillon (rivière qui traverse Nice)
Un qui a aussi beaucoup ri à cette plaisanterie, c’est bien sûr le Malin (Nous y voilà donc) qui, se croyant en pays conquis, y prit ses aises. C’était mal connaître les Contois. Se croyant amis de tous, le Malin se mit à fréquenter les auberges et les tavernes, mais personne ne voulait trinquer avec lui, ni ne lui offrait jamais à boire. Pour étancher sa soif, il ne lui restait plus que la fontaine sur la placette du village.
Village aux couleurs italiennes
C’est alors que Chiapatoute enduisit de glu la margelle de la fontaine. Quand Satan, le gosier asséché par les bonnes pissaladières (spécialité niçoise faite avec du pissalat) qu’on lui avait généreusement offertes, voulut se désaltérer, il se précipita à la fontaine, y resta collé et les villageois en profitèrent pour le capturer, le ficeler et le jeter dans une charrette.
Les uns tirant, les autres poussant, on finit par atteindre le plus haut point de la côte. Là, on le déchargea et on le poussa d’un coup de pied dans le bas du vallon. Parvenu dans sa chute à se libérer de ses liens, le Malin resta néanmoins collé par sa queue gluante à une souche d’olivier. Dans un ultime effort, il s’élança et s’enfuit, cassant net son bout de queue, qui resta là à se tortiller comme un ver de terre.
Le lavoir de Coaraze
Sans demander son reste, le Diable regagna son domaine dans la vallée des Merveilles (valle delle Meraviglie, pris dans son sens d'origine, signifie plutôt la vallée des mystères, des sortilèges) derrière la cime qui porte son nom.
*(En ce temps la, la vallée des Merveilles comme le Parc National du Mercantour était Italien. C'est la mauvaise traduction Française qui la nomma merveilles)
C’est pour cette raison que le village du haut Paillon où le Diable perdit sa queue fut nommé Coa Rasa. On rajoute, pour faire bon poids, que, depuis ce jour, les gens du village, pour marquer leur différence, ne portèrent plus la coiffe habituelle en queue de cheval mais les cheveux coupés courts sur la nuque.
On comprend aisément pourquoi un village capable de faire ainsi la nique au curé, donc à Dieu, comme au diable, donc au Maître, a toute ma sympathie. Pour l’histoire de la Reine Jeanne de Naples, je vous laisse revoir mon article sur le village fantôme de Rocca Sparviera, le rocher des éperviers en niçois….