LE MONDE ETRANGE D’HENRI CLEWS

1 avril 2024 1 01 /04 /avril /2024 07:16

On visite les pièces du château avant d'aller à l'atelier

Vous rêvez d’un vrai château de chevaliers en bord de mer ? Vivre comme un roi, comme une reine, comme un prince ou une princesse regardant le soleil se coucher au loin sur le rivage ?

Alors direction la Méditerranée, dans le département des Alpes-Maritimes, pour admirer et visiter un prestigieux château peu connu des Parisiens et des Parisiennes mais plébiscité par les touristes américains ou anglais.

Chaque partie de cette demeure possède son cachet et communique les goûts, dans un certain sens, de son dernier propriétaire. Son nom ? La Napoule, nom qui apparaît pour la première fois en 1134. Puis, sur l’ancien volcan du San-Peyre s’est construit ces murs, ces salles, et ses enceintes créant de fil en aiguille le château de la Napoule comme on le connaît aujourd’hui.

La porte a été entièrement réalisé par Henry Clews

Après avoir été laissé à l’abandon à la suite de la Révolution Française, un parfumeur de Grasse, M. Charrier, fait construire sur ces ruines une maison de maître vers la fin du XIXe siècle. Le château renaît de ses cendres.

Tout les chapiteaux des colonnes ont été sculpté par Henry Clews

Il faut surtout attendre le début du XXe siècle pour que la demeure arrive dans les mains d’un couple d’Américains, Henry et Mary Clews qui entreprend sa reconstruction. Marie Clews, architecte de formation, a dessiné les plans des modifications du château à l’aide de maçons et d’architectes locaux.

Dans l'atelier d'Henry Clews, Clemy est trés attentive ...

Plusieurs pièces intérieures comme extérieures ont ainsi été rénovées voire créées de toutes pièces, telles que la terrasse-balcon donnant sur la mer ou encore la galerie de cloître adjacent à la salle à manger. Toute une tour aussi, côté sud-ouest, a été rajoutée : La Mancha.

Les personnages imaginaires d'Henry

In fine, ce château assez éclectique est d’une beauté inégalable. Chaque pièce, décorée avec goût, vous offre un véritable voyage dans le temps. Après avoir quitté la carrière qu’il haïssait à Wall Street, Henry Clews se plongea avec conviction dans la poursuite d’une carrière artistique.

Bureau d'Henry Clews

Il travailla avec acharnement pour apprendre la peinture en auto-didacte, d’abord dans un atelier établi dans son appartement, puis dans un atelier personnel à New-York. Il passa également beaucoup de temps à Newport, à Rhode Island, où il rencontra sa première femme, Louise Morris Gebhard.

Le dernier chef d'oeuvre de l'artiste

Henry résiste à la vague grandissante du Modernisme, tandis que les premières oeuvres Fauves et Cubistes gagnent en popularité autour de lui. En 1909, il commence à visiter régulièrement l’atelier d’Auguste Rodin. L’influence de l’artiste sur Henry est visible dans une grande partie de ses travaux, notamment ceux sur lesquels on peut observer des surfaces laissées brutes ou rugueuses, et dans ses travaux sur les effets de la vieillesse.

Vitraux du château donnant sur la grande bleue

Henry s’épanouit entouré d’une communauté d’artistes et d’écrivains, mais son emploi du temps anarchique et ses fréquentations douteuses ne sont pas au goût de Louise. Le couple divorce en 1910, et Henry retourne à New York.

Henry rencontre sa future femme, Elise Whelen Goelet en 1910. Henry et Elsie se rapprochent grâce à leur intérêt commun pour l’art. La créativité et l’imagination d’Henry fascinent Elsie; elle décrira plus tard dans ses Mémoires qu’elle était « ensorcellée ». Quelques temps plus tard, Henry et Elsie (rebaptisée Marie par Henry) se marient le 19 Décembre 1914, dans une union décrite par la mère d’Henry comme “insensée”.

Le couple quitte rapidement les États-Unis pour s’installer sur la Cote d’Azur ou se trouve toute la jet set artistique. La, ils découvrent les ruines laissées à l’abandon du Château de La Napoule. ils achètent la propriété et y emménagent en 1919.

Ce qui fut d’abord un ajustement minimal pour rendre le Château plus confortable devient rapidement un projet à très grande échelle. Henry et Marie, deviennent tous deux bouleversés par la magie des vieux murs, et, comme le décrira Marie, ils « libèrent l’esprit créatif à La Napoule ».

J'ai l'esprit mal placé, j'ai appelé cela des "Phal Gus"

Ensemble, ils travaillent sans interruption pendant près de vingt ans, occupant la cour avec des pierres, des sculptures, et une douzaine de tailleurs de pierres venus d’Italie. Henry transforme le Château de La Napoule en territoire fantastique, inspiré par « les grotesqueries des sculpteurs Romanesques ».

Il sculpte les modèles en plâtre de ces créatures qu’il imagine, d’étranges animaux qu’il appelle des ogs, wogs, imps, et glicks. Depuis les colonnes principales jusqu’aux recoins architecturaux, tout le Château se voit rempli des « habitants d’un monde imaginaire, symbolisant ou parodiant ceux qu’il avait laissé derrière lui, et représentant à travers ce microcosme sa vision de l’univers et de l’humanité ».

Le tempérament rebelle d’Henry qui échappe aux attentes familiales et les dénonce même, apparaît clairement dans ses travaux. Cet aspect satirique est aussi visible dans ses écrits, notamment la pièce Mumbo-Jumbo et Dinkelspieliana, un manuscrit jamais publié daté du début des années 30.

Ces deux pièces critiquent la société américaine, la démocratie, et l’art moderne. Les travaux d’Henry « peuvent être divisés en trois catégories : les représentations réalistes, les inventions oniriques, et le satire mordant.” »

Ses nombreuses sculptures-portraits sont des exemples de son travail sur le réalisme. Les créatures oniriques qu’Henry invente et qui peuplent le Château de La Napoule sont produites dans une variété de matériaux, entre autres le bronze, le bois, et le porphyre.

Ses sculptures satiriques, caricatures de la richesse et de la vanité, reflètent sa vision du monde personnelle : son dégoût pour le monde trop guidé par l’argent qu’il a laissé derrière lui, et sa colère envers un monde de plus en plus moderne et déshumanisé. La sculpture la plus célèbre d’Henry, Le Dieu des Humormystics, fut installée dans la cour du Château en 1921.

Accueillant toujours les visiteurs à ce jour, cette sculpture inspirée du travail de Rodin incarne la vision artistique d’Henry, dénonçant le matérialisme et offrant une beauté inspiré du divin à celles et ceux qui explorent le Château de La Napoule.