Le troupeau attend dans le pâturage (Saint Etienne de Tinée, Alpes Maritimes)
Dès début juin, quand la sécheresse s’annonce et que bientôt nulle herbe ne pourra plus nourrir les bêtes, commence pour chèvres, moutons, boucs et brebis, une longue route vers les alpages.
Beliers à grandes cornes tordues
La transhumance est dans le cœur de tous les Maralpins et de tous les habitants du comté de Nice. Avant l'arrivée des grosses chaleurs, les moutons se dirigent par milliers vers les alpages du Mercantour. La transhumance est une pratique attachée aux contrées chaudes et sèches de Corse et du sud de la France.
La Chevrerie de la Tinée a apporté de quoi manger devant l'aire de camping car
Les bergers déplacent leurs moutons en début d’été depuis des plaines ou des plateaux qui n’offrent plus suffisamment de nourriture jusqu’en montagne où l’herbe reste abondante pendant la saison chaude.
La chevre de Mr Seguin qui s'appelle Darmanin
La transhumance commence aux environs du 10 juin et se termine entre le 1er et le 10 octobre. La transhumance traditionnelle se fait à pied mais rares sont les bergers à continuer cette tradition, la majorité des éleveurs transportent leurs bêtes en camion. Mais quelques irréductibles comme le berger de Caussols continue la tradition.
L'Association des Stéphanois et des Stéphanoises
À l’origine de la tradition pastorale, on peut évoquer le peuple Ligure. S’étant installé dans les plaines niçoises, il a été, grâce à son nomadisme saisonnier, le premier à établir des interactions entre le bas et le haut pays niçois.
Les produits du terroir.....Foccaccia, brousse, pancetta, miel, biére, pissaladiere, pichade, ganses….
En effet, poussés par la sécheresse estivale, les éleveurs ont été contraints, chaque année, d’abandonner leur territoire pour gagner les Alpes du sud et notamment le Mercantour où ils restaient avec leurs troupeaux jusqu’à l’automne.
Aux Editions Giletta de Nice, récit d'une aventure pastorale de Malou Ravella
Ainsi s’établit la transhumance (aussi appelée alpage) et, avec elle, l’ouverture des plus anciennes routes du pays. Le mot transhumance intègre deux informations d’origines latines: trans, de l’autre côté, et humus, terre, car le voyage qu’il désigne conduit au-delà du territoire d’origine.
Les torréfactrices de la Tinée
Historiquement, la transhumance a tracé son propre réseau routier, lou carraira (en niçois) allaient devenir les chemins de passage de circulation animale. Elles furent les premières voies de communication entre les plaines et les montagnes alpines.
Nissa la Bella à la flute... O la miéu bella Nissa, Regina de li flou. Li tiéu vielhi taulissa, iéu canterai toujou.
En cette époque reculée, les routes souvent encaissées étaient impraticables et ce n’est pas sans mal que les premiers ont tracé leur chemin.
Leur marche était pénible et difficile. À la tombée de la nuit, les agneli (chefs bergers) avaient souvent du mal à trouver des lieux vierges avec des points d’eau pour reposer les troupeaux. Au début, il leur fallut batailler pour traverser les terres habitées par les cultivateurs.
Construction d'un abreuvoir à bestiaux en bois
Cependant, comme ils apportaient des vivres tels poissons salés, fruits secs et laitages, ils ont fini par trouver des compromis. En échange d’un "droit de passage", les bergers apportaient aux montagnards, outre des vivres du littoral, des ballots de laine. Ainsi, tout au long de l’hiver, les montagnards tissaient des draps que les bergers redescendaient pour les vendre une fois l’été revenu.
Le joli sourire des stéphanoises avec lou capeou dou palha (le chapeau de paille)
Peu à peu, la transhumance est devenue profitable à tous grâce à des opérations de trocs. Dès lors, la transhumance n’a jamais cessé. Vers le VIe siècle avant J.-C., les bergers ligures avaient réalisé une petite industrie.
Aqui li sian doui per juga ?
On trouve dans la région de nombreux témoignages archéologiques, notamment des bergeries, remontant à l’époque romaine et, probablement, à l’Âge du fer. Ici dans la vallée de la Tinée, chaque année, la troupe se met en route selon les conditions climatiques et dans un ordre très strict.
C'est de la laine de nos moutons mérinos (dans la Tinée des mérinos, dans la roya des brigasques)
En plaine, le cheptel commençait par emprunter de larges carraira, la plupart excavées au XIIIe siècle. La piste évitait les villes et les espaces cultivés. Dès que le chemin s’élevait, après une semaine de marche, les itinéraires passaient par des lignes de crêtes, des flancs de coteaux, des vallons, pour aboutir aux « baissa » (col en niçois) par une voie souvent directe puisque les bêtes aiment monter droit dans la pente.
Les carraira étaient parfois protégées par des murets et bornées de longues pierres (cairns, mounjoia en nissart) plantées de part et d’autre du chemin tous les 400 ou 500 mètres. Ces routes, voies publiques inaliénables, étaient entretenues grâce à des gabelles (redevances) versées aux communes traversées par les propriétaires de troupeau.
Lou Pastre ou lou Capo ?
À l’automne, tous "démontagnaient" en prévision des premières neiges, afin que les brebis retournent mettre bas dans les bergeries de la plaine originelle. La transhumance qui semble avoir disparu durant le Haut Moyen Âge renaît au XVe siècle. À partir de 1450, c’est entre cinquante mille et soixante dix mille bêtes qui montent à une altitude de 1.600 à 2.000 mètres d’altitude dans le haut pays niçois.
Fabrication du beurre
Jusqu’au milieu du XXe siècle, les pastre (bergers) et troupeaux parcouraient à pied, plus d’une centaine de kilomètres dans le Mercantour pour rejoindre l’herbe fraîche des alpages pendant les trois à quatre mois d’estive.
La paille est tissée à la main, chaque chapeau est fait un à un dans les ateliers de la vallée de la Tinée. Confectionnée en paille de riz du Piémont et tressée avec du fils de chanvre très fin
Aujourd’hui, seuls certains troupeaux des Alpes-Maritimes ou des Alpes-de-Haute-Provence continuent de cheminer à pied vers les alpages de l’Ubaye, et du Mercantour. Et, ce départ en transhumance donne lieu à de jolies fêtes champêtres comme ici à Saint Etienne de Tinée, ou a Caussols, Beuil, Roubion, La Brigue, Guillaumes etc .…
Sculptures sur bois à la tronçonneuse
LE METIER DE BERGER: (UN VRAI ECOLO ET PAS LES CHARLATANS DE EELV)
Le berger de montagne connait bien le terrain qu’il occupe. Il sait étudier la qualité des herbages et définit les zones à paturer chaque jour afin de fournir une alimentation conséquente aux animaux.
En haut, costume aux couleurs stéphanoises.. En bas: Calamity Jane ?
Un troupeau, ça se soigne avec vigilance. Il faut se relever pour lui et accepter de partager son destin. Levé très tôt le matin. Le berger inspecte l’état des animaux, traite les blessés ou malades puis mène son troupeau dans la zone de pâturage prévue pour la journée.
Il faut marcher, même quand ça fatigue, sous le soleil ou sous la pluie. Il faut aussi savoir affronter la nuit, l’orage ou le loup sans avoir peur. Ne pas s’impatienter, savoir attendre, toujours regarder attentivement et prévoir.
Les confréries des pénitents noirs et blancs
Le berger est toujours entouré de ses indispensables partenaires, ses chiens. Gardiens vigilants, toujours en éveil, fins connaisseurs des réactions des animaux, ils conduisent le troupeau, le surveillent, veillent à ce qu’il reste rassemblé et le défendent contre les prédateurs.
La transhumance arrive au village
Pendant la saison estivale, la famille restée au village procède à la récolte du foin et prépare le fourrage qui sert à nourrir les bêtes l’hiver. Fin hiver début printemps, le berger est occupé par l’agnelage.
LA BERGERE DE LA TRANSHUMANCE:
*Marina Rostagni depuis onze ans, passe tous ses étés en alpage, au-dessus de Saint Dalmas le Selvage (plus haute commune des Alpes Maritimes). Fille de berger, la jeune femme a appris le métier “sur le tas”.
La bergère est heureuse, un paparazzi la prend en photo
Pendant plus de quatre mois, elle veille sur deux mille brebis, avec le sentiment de faire corps avec la montagne. Oubliez les clichés que vous pouvez avoir sur les bergers bourrus et rustiques !
1500 moutons arrivent sur la place de Saint Etienne de Tinée
Bergère depuis l’âge de 25 ans, Marina est une jeune femme de 36 ans pleine de joie de vivre, douée pour le partage et la communication (je l’ai accompagné avec le troupeau quelques instants).
ça sent bon la montagne hi hi hi
Elle monte à l’alpage au dessus de Saint Etienne, un lieu magique, à 2 000 mètres d’altitude, à l’écart de tout sentier, où s’expriment la puissance et la pureté de la montagne du Mercantour.
Les parisiens sont contents....
Si l’emploi du temps du berger reste immuable, ses conditions de vie ont changé. Le téléphone représente la principale révolution, lui permettant de rester en contact avec ses proches. Les cabanes sont plus confortables qu’avant, la plupart étant équipées de panneaux solaires, et certaines de douches.
On soigne une chèvre
Une autre évolution récente est la féminisation du métier. Maintenant, il y autant de bergères que de bergers. Les Alpes Maritimes sont un département de rêve qui associe la mer et la montagne…. Celle ci tombe littéralement dans la mer.
S’es urous lou cavau, perche non devi l’estre ? Allez, c’est facile, je vous laisse deviner la traduction
Une pensée à Paulo Capietto notre berger deja parti depuis 3 ans
* le capo en nissart veut dire le chef
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Un livre que je vous conseille, la bible du pastoralisme niçois
DIAPORAMA TRANSHUMANCE