SAINT PIERRE PROTEGEZ NOS PECHEURS & MARINS

La centaine de pointus de l'Association la Mouette Nice

A Nice, où la mer a toujours joué un rôle important (seul débouché maritime de la Maison de Savoie et du royaume de Sardaigne avant que la république de Gênes n’intègre le royaume), les pêcheurs vont au large chaque jour pour ramener le poisson qui nourrira leur famille et approvisionnera le marché de la « Marine » ou de la Place Giacomo Toja.

Le pointu, ce bateau typique du bassin méditerranéen, est présent sous différentes appellations, felouques génoises, barques catalanes, chebec ou tartanes

Afin de contrer la fureur des éléments et invoquer la clémence du Ciel, ils se placent dès le Moyen Âge sous la protection de saint Pierre. Une fois par an, ils honorent leur saint patron en organisant une émouvante procession dans le Vieux-Nice.

Chaque pointu aura sa gerbe de fleurs

Le soir, la corporation des pêcheurs se rassemble sur la plage, brûle la barque du plus pauvre d’entre eux et lui en offre une neuve. Toujours à l’honneur aujourd’hui, cette tradition se retrouve le samedi 25 juin 2022, dans le quartier du Port, à l’occasion de la Fête de la Saint-Pierre (Festa de San Peïre en niçois).

On hisse le drapeau niçois...soulamen la bandiera nissarda e basta ! Couma ieu, sigues fieri e bouon vent a toui

Les gerbes de fleurs sont déposées en mer en hommage aux marins et pêcheurs disparus. L’incinération symbolique d'une barque de pêcheur est le point d'orgue de la fête. Cette pratique était à l'origine solidaire: La barque du pêcheur le plus pauvre était brûlée et l'ensemble des pêcheurs se cotisaient pour lui en offrir une neuve. La fête s'achève par un Baleti (un bal populaire).

Cette tradition, qui date du Moyen-Âge, réunit petits et grands. La nuit tombée, la corporation des pêcheurs se rassemble. C’est à Notre-Dame du Bon Port que tout commence, avec les danseurs du groupe folklorique la Ciamada Nissarda (Aubade Niçoise) en tenue traditionnelle pour les filles comme pour les garçons.

C'est un garçon manqué cette fille, elle porte la taiola (la ceinture en laine rouge)..

Chacun se dirige vers la messe de monseigneur Andréa Marconi. La Ciamada compte aujourd’hui 90 membres dont une trentaine d’enfants et souffle ses 97 bougies cette année. La cérémonie terminée, un cortège se forme pour prendre la direction du quai Entrecasteaux.

La statue de Saint-Pierre est portée jusqu’aux embarcations, avant qu’une gerbe de fleurs soit déposée en mer en hommage aux marins disparus. Pour accompagner le cortège maritime, les pointus, bateaux emblématiques des pêcheurs, sont de la partie. De retour au quai, la fête se poursuit avec l’embrasement de l’une des barques.

On installe les gerbes de fleur

On fait tout correctement comme depuis toujours, on tient à bien célébrer cette tradition, elle tient à coeur aux niçois. La mer inspire une crainte légitime. Elle est le domaine des légendes, des superstitions, des monstres marins et des peurs les plus folles.

Le pointu qui sera brulé ce soir...

C’est aussi du large que sont venus les plus grands fléaux de l’histoire maritime du comté niçois: invasions guerrières, razzias barbaresques, révolutionnaires français ou épidémies. De nos jours les tempêtes emportent encore des navires, leur cargaison et déciment les équipages, laissant à quai des familles pleurer les marins disparus en mer. Autant de corps sans sépultures.

La mer est aussi nourricière. De tout temps de frêles embarcations l’ont affrontée avec le fol espoir de la vaincre. Pour quelques paniers de poissons des hommes ont risqué quotidiennement leur vie à seule fin d’exister.

Notre Dame de Bon Port

Tous n’ont pas rêvé aux trésors qui se cachent au-delà de l’horizon. Petits cabotages ou grandes traversées, chacun son destin, tout marin apprend à ses dépens les dangers qu’il encourt à naviguer. L’importance de la dévotion des pêcheurs niçois s’explique en partie par cette peur ancestrale.

Marion la Regina dei Mai (la reine des Mai) aux cotés de Marilou la Payse de France qui est l'ambassadrice des folklores et cette année, c'est une niçoise..

Ce sont des siècles de craintes et d’espérances qui les ont façonnés. Le péril en mer est si grand qu’il ne peut y avoir d’espérances plus légitimes que celles placées en saint Pierre, leur saint Patron.

Tiens il y a mon "pote" Ciotti à gauche du troisième pèlerin (en regardant la photo)

La saint Pierre est une fête tout à fait particulière dont l’importance a plusieurs explications indissociables les unes des autres. C’est le 29 juin que l’on fête ensemble les deux apôtres que sont Pierre et Paul. Fêter le même jour deux saints est assez exceptionnel pour être souligné.

La taiola pour les hommes , la marinière pour les femmes de la chorale des pécheurs chantant l'hymne de Nice, Nissa la Bella

Unis dans la vie et dans la mort, ils subiront le martyre sous l’empereur Néron, Pierre mourra crucifié et Paul décapité. Autre élément et non des moindres, la position calendaire de la fête de la saint Pierre. Cet anniversaire appartient au cycle de la saint Jean, cette grande période de réjouissances en l’honneur de l’été.

Et alors madame vous pouvez pas faire attention...Saint Pierre arrive !

C’est autour du solstice d’été (21 juin) que les jours sont les plus longs. Cet évènement a de tout temps été célébré, du plus profond des âges alors que l’on vivait au rythme des saisons. Certains rites associés à ces fêtes (le feu purificateur, les feux de joie) puisent leur origine dans la tradition païenne.

Jugaire dou fifre e dou tambau

La personnalité même de saint Pierre qui fut un des plus proches disciples du christ donne à cette fête une dimension d’une importance capitale. Pierre est reconnu comme le principal Apôtres. Il accédera à l’autorité suprême en montant le premier sur le siège pontifical.

Les marins portent la statue de Saint Pierre

Ces éléments permettent d’expliquer l’importance de ces fêtes célébrées partout en comté niçois et en Provence, mais c’est sur le littoral qu’elles connurent le plus de succès. Cet éclat a largement pu s’exprimer à travers le caractère festif et chaleureux des gens de mer.

Nissa la bella regina di li flou Iéu canterai toujou

Si la date d’anniversaire de la saint Pierre est fixée par le calendrier, les réjouissances qui lui sont liées se fêtaient selon des approches particulières souvent liés aux intérêts de la fête elle-même. Elle se célébrait diversement selon les disponibilités des prud’homies, les motivations des organisateurs, les volontés de la municipalité ou les risques de juxtapositions avec d’autres fêtes ce qui aurait nui à la fréquentation.

C'est la premiere fois que je vois la Ciamada Nissarda avec ce costume ?...je n'aime pas, trop provençal !

Certaines municipalités n’hésitèrent pas à la déplacer pour la faire coïncider avec la fête patronale ou avec une date plus marquante de l’histoire locale. A Monaco, le 27 janvier, on fêtait en même temps, Saint Pierre et Sainte Dévote, patronne de la principauté. A Menton la cérémonie se fêtait le 2 juin, jour de la Saint Elme qui est également considéré comme un saint protecteur des marins.

Fifre et tambour per la San Peïre ....la proucession dintre lou pouort embarlugant lu badau

A Antibes, les fêtes de la saint Pierre ont traditionnellement lieu le week-end qui précède le premier jeudi du mois de juillet, date officielle du commencement des fêtes de Notre Dame de Bon Port.

Ce regroupement de deux célébrations adressées à deux saints différents mais aussi à une sainte peut s’expliquer autrement. Face aux dangers de la mer, l’intercession d’un seul protecteur n’étant peut être pas suffisante, on prit l’habitude d’en invoquer plusieurs afin d’augmenter ou tout simplement de cumuler ses chances.

On met le feu au pointu

Les rites et les usages particuliers que l’on retrouve uniquement dans le milieu marin peuvent trouver ici toutes leurs justifications. Depuis le Moyen-Âge, la fête de la Saint-Pierre est organisée par les corporations locales de pêcheurs depuis Menton (Alpes Maritimes) jusqu’à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales, pays catalan). C’est une fête à la fois religieuse et païenne.

La barque brule immédiatement 

Elle est religieuse avec procession de pêcheurs, cérémonie en plein air, bénédiction de bateaux et de pointus niçois ou de barques catalanes, jets de gerbes à la mer ou dépôts sur des stèles. Le tout de façon très traditionnelle. Elle est aussi mi-païenne car elle est l’occasion de nombreuses animations réparties sur tout un weekend.

La soirée se termine par un balèti, un bal populaire dans la région niçoise, cette appellation « balèti » est largement reprise de nos jours dans toute la région y compris les vallées alpines du Piémont.

C'en est fini du vieux pointu

Fin XIXème siècle, on dansait essentiellement la polka, la scottisch, la mazurka, la valse, les quadrilles, avec différentes formes, la tarentelle d’Italie et bien sûr la farandole niçoise, pour terminer le balèti.

Toutes sortes d’instruments de musique trouvent leur place dans les groupes de musique niçoise. L’accordéon diatonique peut, à lui seul, nous faire danser.

Place au baléti (bal) maintenant ... I’a tant de marin, per la danso, per la danso I’a tant de marin, per la danso plen d’entrin.. Ah ! li bèu pais, tout fa festo, tout fa festo !

Vielles à roue, fifre et tambourin, guitares, la zampogna (la cornemuse italienne car le comté de Nice est à la fois en piémont et Ligurie) et c’est le groupe niçois Lou Baldaqui qui termine la nuit chaude de ce mois de juin.