Après avoir franchi le col de Castillon, me voila à Sospel ou je m'arrête pour prendre une photo de son fameux pont vieux fortifié qui coupe la ville en deux parties. Sa tour centrale servait de poste de péage entre le Piémont et la Méditerranée de la fameuse route royale du sel entre Nice et Turin. Tout voyageur devait s'acquitter d'un droit de passage pour franchir la Bévéra et rejoindre la rive gauche et emprunter la "Carriera Longa", et poursuivre ainsi son voyage vers l'Italie.
D'un coté du pont, le piémont francais et de l'autre coté le piémont Italien
Je continue mon itinéraire vers les gorges sauvages du Piaon au cœur de l'histoire situées au Nord de Sospel, elles sont le point le plus bas (490 m) du Parc national du Mercantour. Creusées par la rivière Bévéra, étroites et sinueuses, elles présentent des dénivelées très spectaculaires. Au sortir d’un virage de la route, les voyageurs qui, de Sospel, se dirigent vers Moulinet, voient soudain l’horizon, fermé jusque-là par les hautes parois de pierre des gorges de la Bévéra, s’entrouvrir sur une apparition surprenante :
Notre-Dame de la Menour, sur son éperon rocheux, paraît en effet se dresser fièrement au sommet de la muraille des montagnes à 780 mètres d’altitude. Bien sûr, cette impression, due à la perspective, se dissipe au fur et à mesure que l’on gravit les lacets de la route. Mais la vision magique n’a pu manquer d’opérer, et rares sont ceux qui, parvenus enfin au pied du sanctuaire, ne s’y arrêtent pas pour apprécier ne serait-ce que la vue que l’on a « de là-haut », admirer l’œuvre des hommes et pour certains chercher à la comprendre.
Quelques éléments d’architecture (absides) attestent encore de ce qu’elle était à l’origine : une chapelle romane datant probablement du XIIème siècle. Cette Chapelle romane est reliée à la route par un escalier gigantesque faisant penser à la grande muraille de Chine. Ce sont les Vibères qui auraient été les premiers à habiter ce sanctuaire puis par les Romains et enfin par une communauté médiévale...
La légende veut qu’ils y aient amené l’eau en se servant d’une toile tendue au-dessus du gouffre de la cascade. Quelques kilomètres plus loin , j'arrive au village de Moulinet ou molineto (petit moulin en langue niçoise) une commune située au nord est du département des Alpes-Maritimes. Moulinet ne comptait pas moins de quatre moulins à farine.
Moulinet a été décoré de la "Médaille d'Argent" des villages de France dans les années 1948. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la totalité de la population civile du village a été déplacée par les troupes d'occupation allemandes jusqu'à Cuneo (Italie) entre le 29 septembre 1944 et le 12 avril 1945. Cette période est traditionnellement évoquée comme celle de la "déportation" du village.
Cet épisode du conflit dans les Alpes-Maritimes a fait l'objet d'un Mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine rédigé par Goulven Godon, préparé sous la direction de Jean-Louis Panicacci, soutenu devant l'Université de Nice Sophia-Antipolis en juin 2004 et intitulé : "La "déportation" des populations civiles des vallées de la Bévéra et de la Roya en Italie du Nord (1944-1945)".
Pour ceux qui me suivent depuis longtemps sur mon site, j'ai fait un article sur cet épisode tragique ou mes grands parents ainsi que ma mère pour échapper à cette terrible déportation ont traversé les lignes allemandes pendant la nuit avec des passeurs pour rejoindre Nice alors libéré. Passé le village de Moulinet la route commence à grimper fortement jusqu'au col de Turini puis en continuant celle çi, j'atteins le Camp d'argent passage obligé pour me rendre au massif de l'Authion que je vous ferez découvrir dans le prochain article.
Dans tous les villages de l'arriere pays, vous verrez flotter le drapeau du Comté de Nice
Le camp D'argent est l'une des quinze stations de ski des Alpes Maritimes. Avec l’Authion, je me retrouve à prés de 2100 m d'altitude, je reprends ma route vers le col de Turini. Le col doit surtout sa réputation mythique aux rallyes automobiles et à la Route des Grandes Alpes, étape incontournable des motards. La route comporte de nombreux lacets en épingle à cheveux et de beaux points de vue sur la mer Méditerranée.
Tout motard qui se respecte doit au moins faire une fois dans sa vie cet itinéraire légendaire. On vient du monde entier pour faire le Turini. Le Col a vu passer les plus grands pilotes de l'histoire du rallye Monte Carlo, leur réservant à chaque fois son lot de rebondissements. Difficile et dangereux, ce chrono a pris au piège nombre de pilotes chevronnés. En moto l'attention doit être constante, autrement cela ne pardonnera pas, mais, si vous êtes prudent, vous vous faufilerez au cœur de la majestueuse forêt du Turini au milieu des épicéas, sapins et mélèzes et vous admirerez un panorama à couper le souffle.
Pour cela, je fais une halte à Peira Cava (En niçois, cela signifie pierre (peïra) creuse (cava).) La table d'orientation offre de multiples points de vue sur la Vallée des Merveilles et plus largement sur le massif du Mercantour, le massif de l'Esterel, et la mer Méditerranée, de San Remo à Saint-Raphaël.
Cet endroit du Turini à su conserver et valoriser la tradition montagnarde et pastorale puisqu'on compte aujourd'hui environ 4 500 ovins et une centaine de vaches sur le territoire, auxquelles il faut ajouter les troupeaux "étrangers" transhumant début juin vers les alpages pour ne redescendre que pour l'hiver. Peira Cava et le Turini, ce n'est que du pur bonheur ! Le 19 janvier 1907, la feuille "Les Echos de Nice et Monte Carlo" écrit : "Quel pays merveilleux où l’on va de l’hiver le plus rigoureux au printemps le plus doux, de la neige aux fleurs d’orangers, des sapins poudrés de givre aux palmiers et aux fleurs en moins de deux heures ! Il n’y a qu’un pays au monde où se produise ce miracle, qu’un Peïra-Cava et qu’une Riviera ! ". Ce pays s'appelle le Comté de Nice.
Je descends maintenant brutalement jusqu'au très beau village de Luceram. Celui ci occupe un site pittoresque. Les maisons, bâties à flanc de montagne, semblent se superposer et sont desservies par des ruelles en escalier. L'église se dresse sur une terrasse et l'on aperçoit, à droite, les pans de murs crénelés et la tour, curieusement fendue, de l'enceinte fortifiée.
Je ne fais pas de halte dans ce village que je connais très bien, mais si vous passez par la, n'hésitez pas à le visiter, il est l'un des plus beaux villages des Alpes Maritimes. Avec Luceram, j'entame ma dernière étape avant d'arriver dans la capitale du comté. Une balade d'environ 200 km au cœur des Alpes du Sud, dans le massif du Mercantour, à environ 94 kilomètres de Nice et aux frontières de l'Italie. Physique et périlleux en moto , mais tellement spectaculaire !
DIAPORAMA DE LA BALADE