Trop souvent perçu à tort comme une immense machinerie industrialisée, le Carnaval de Nice est avant tout une création populaire due à l’imagination et au travail d’une corporation de Niçois qui s’activent avec passion pour ce violon d’Ingres qui n’est pas leur profession mais qui leur a été transmis par héritage familial et culturel. Paillassou, Polichinelle et Triboulet sont les trois principaux protagonistes de cette fresque où la valeur symbolique de cet art grotesque échappe parfois à l’œil du spectateur qui ignore la force d’une œuvre comme le char de la Ratapignata (chauve-souris).
Comme le Carioca, le Niçois manifeste un attachement à son passé, ses traditions, sa culture mais également il est ouvert aux influences culturelles internationales, depuis le XVIIIème siècle, Nice a accueilli de nombreux hivernants, venus du monde entier. Le Carnaval a été au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, le témoignage le plus éclatant de la convivialité entre les Niçois et leurs hôtes de passage.
Cette grande fête a même servi de modèle à Rio, qui a développé son grand carnaval après le passage de l'empereur Pedro II à Nice en 1888. Même effet, pour la grande parade de Pasadena, qui a lieu le 1er janvier, à l'occasion du Tournament of Roses, près de Los Angeles. Elle avait été créée vers 1890 après le passage à Nice d'un membre influent du Comité de Pasadena.
Le Carnaval de Nice a également servi de modèle aux carnavals de la Nouvelle Orléans, Québec, Viareggio, au siècle dernier, et tout récemment à celui de Tahiti en 1997 et Bradford en Angleterre, en 1995.
Le Carnaval de Nice a la chance d'avoir le plus riche et long passé dans l'histoire des carnavals du monde. Du Moyen Age au XIXe siècle, le Carnaval se déroule dans un style différent selon l'époque. Au Moyen Age, une fête de bals et de mascarades; au siècle des Lumières, les bals masqués se déroulent à la mode vénitienne, en milieu fermé. Les festins de Carême, à Cimiez, clôturent le cycle Carnaval-Carême dans une atmosphère qui inspira le poète niçois Rancher.
Le carnaval change d'aspect lors du séjour, en 1830, du roi Charles-Félix. Pour la première fois, un "corso" fut organisé sur le Cours Saleya, en hommage aux souverains. A bord de voitures et de calèches, fleuries et décorées, les notables niçois défilèrent en "riches costumes" sous le balcon du Palais Royal. Très vite, les batailles de projectiles deviennent le jeu essentiel de la fête. A partir de 1892, les confettis de papier détrônent les confettis de plâtre, réservés au Mardi-Gras jusqu'en 1955 et dont les batailles mémorables sont ancrées dans la mémoire des Niçois.
En 1873, un Comité organisateur du Carnaval, composé de riches hivernants et de membres de la bourgeoisie niçoise, institua une distribution de prix lors d'un premier défilé de chars. De nombreuses initiatives sont à mettre à l'actif des Comités des Fêtes successifs : batailles de fleurs sur la Promenade en 1876, trains "du plaisir" sur la ligne PLM en 1877, char de Sa Majesté en 1882, palais-loggia en 1890, Madame Carnaval en 1893, chanson officielle en 1905, illuminations électriques en 1921.
Aujourd'hui, le carnaval niçois devient le terrain privilégié de la créativité des carnavaliers, qui caricaturent dans le meilleur style grotesque aussi bien les scènes de la vie niçoise que les évènements internationaux. Il nous donne ainsi un témoignage inestimable et incomparable sur la vie de nos contemporains à travers la vision humoristique des carnavaliers. Les carnavaliers niçois subissent l'influence de Gustave-Adolphe Mossa qui a su imposer un style, un art spécifique. Le peintre et sculpteur Alex Mignone, élève d'Alexandre Sidro, reste l'un des derniers détenteurs de ce savoir faire, véritable trésor de notre patrimoine d'art populaire.
De nos jours, Nice dispose de carnavaliers talentueux dans l'art de concevoir de gigantesques automates-robots mécanisés. Mais c'est également à Nice, que les expériences pilotes de carnaval avec la participation des jeunes des banlieues et le savoir faire des lycées professionnels ont commencé dès 1993, sous l'impulsion de l'association Carnaval Sans Frontières, notamment. Elles ont servi d'exemples au Carnaval de la Biennale de Lyon et à la Carnavalcade de Saint Denis, pendant le Mondial 98.
Le Carnaval est de nos jours célébré à divers moments de l'année selon les pays ou les régions. Fête européenne d'hiver par excellence, comme les grands carnavals de Nice, Venise, Tenerife, Viareggio, Cologne, elle connaît son apothéose au moment du Mardi Gras et étend sa renommée par-delà l'Atlantique à Rio, Trinidad, La Nouvelle Orléans, Québec.
Déjà, au XIIIe siècle, le Carnaval de Nice connaissait la notoriété et il demeure encore une grande fête populaire de nos jours. À la fin du siècle dernier, il était devenu le Carnaval le plus important d'Europe. Tous les membres les plus illustres du Gotha européen et mondial venaient séjourner l'hiver à Nice et participaient au Carnaval. Le Carnaval de Nice correspond à la fois à l incarnation de l'identité culturelle niçoise, par la richesse et la force de son imagerie populaire et à la rencontre d'autres fêtes et cultures. Chaque année, il donne aux Niçois une opportunité spontanée de revivre une période colorée de leur histoire. L'espace carnavalesque devient le cœur d'une cité qui bat et vibre de tous ses feux.
La période consulaire et impériale favorise l'organisation de bals masqués dans les salons de la noblesse et de la bourgeoisie. Les manifestations populaires sont, la plupart du temps, organisées et contrôlées par les confréries religieuses.
C'est lors d'un séjour hivernal, en 1830, du souverain sarde Charles-Félix, accompagné de son épouse et de sa cour, que la fête carnavalesque change d'aspect. Le carnaval eut lieu sur le cours Saleya (au sud de l'actuel Vieux-Nice), et les notables niçois organisèrent un corso de gala en hommage aux souverains. A bord de voitures et de calèches, ils défilèrent en "riches costumes sous le balcon du palais où se tenait le roi". Les commerçants, eux, fabriquent des chars sommaires, tractés par des chevaux.
Une bataille de fleurs et de bonbons en vrai sucre candi (les coriandoli), ou de petites dragées (les confettis), s'engagea de voiture à voiture. Il y eut aussi la reprise de bals masqués au palais ducal et de veglioni au théâtre.
Très vite, l'usage de projectiles divers s'instaure. Les batailles de projectiles deviennent le jeu essentiel de la fête carnavalesque. Les populations locales et hivernantes se mêlent, s'affrontent ou s'encanaillent. La piétaille tient le pavé, tandis que l'élite occupe les positions "chic", fenêtres et terrasses du cours Saleya et de la rue Saint-François-de-Paule.
La rencontre, les heurts se font à distance, avec des projectiles nobles : bouquets de fleurs, bonbons, cigares, dragées, ou de plus en plus sommaires : haricots, farine, coquilles d'œufs emplies de suie ou de farine, pois chiches, boulettes en pâte cassante, sciure de bois. Mais les confettis de plâtre deviennent les munitions privilégiées. Avec une panoplie de combattant, pour la circonstance : masque de protection grillagé, pelle à confetti – sansoula – et grand sac.
En 1892, les confettis de papier apparaîtront. Au cours des années 1860-1870, la saison hivernante niçoise est des plus brillantes. Les têtes couronnées figurent sur les listes des résidents étrangers : les familles russes, belges, anglaises, le roi de Bavière, Louis 1er. Les fêtes mondaines se multiplient et les hivernants participent de bon cœur à la grande fête populaire et paillarde du carnaval.
DIAPORAMA DU CARNAVAL