La climatisation cachée de la vieille ville.
Grilles, escaliers, courettes et volets de la vieille ville de Nice n’ont contrairement aux apparences, pas qu’une vocation décorative : ils sont de fabuleux accessoires de la climatisation passive du quartier.
L’été, en se promenant dans ce vieux quartier, on est en effet surpris d’être préservé de la canicule régnant sur le reste de la ville.
Ceci s’explique d’abord par le fait que le quartier ait été construit en tenant compte des sources de fraicheur alentour : La rivière du Paillon (aujourd’hui recouverte), la mer et la colline du château. Les axes des rues ont donc été orientés en direction de ces points d’apport d’air frais , créant ainsi un courant d’air qui circulent dans les ruelles , traverse les habitations et s’évacue par les toits.
Ensuite, les ouvertures ornées de grilles en fer forgé, situées sur la plupart des hauts de portes et munies de barreaux pour la sécurité, sont en fait des appels d’air. En outre, les corridors ont très souvent un plafond vouté qui laisse cheminer l’air plus frais vers l’escalier. Cet air est également capté par l’inclinaison précisément calculée des déflecteurs des volets niçois si typiques : l’angle permet de s’adapter à l’intensité et au sens du courant d’air. L’air capté va alors traverser les pièces communicantes du logement et ressortir par les courettes intérieures qui font appel d’air.
Dernier détail, les portes de communication entre les pièces sont articulées par des charnières asymétriques, ce qui permet de laisser les portes ouvertes sans que le courant d’air ne les fasse claquer. On peut en voir un bel exemple au deuxième étage du palais Lascaris édifié par la famille Lascaris de Vintimille.
La véritable histoire de la « porte fausse »
Passage entre la rue de la boucherie et le boulevard Jean Jaurès. A l’instar des lyonnais qui empruntent les traboules (passages privés ou couloirs d’immeubles) notables raccourcis entre deux rues, les niçois avaient pris l’habitude d’utiliser la porte d’un immeuble donnant d’un coté sur les bords du paillon et de l’autre sur la rue de la boucherie au cœur de la vieille ville. Après la guerre, la municipalité régularisa la situation en transformant cette porte en un véritable passage, haut et large. Son appellation, insolite et clandestine à l’époque est à présent gravée au vu et au su de tous sur une colonne : « porte fausse ».
Le Tombeau d’Emil Jellinek
Une surprise attend ceux qui ont le courage de gravir les escaliers qui mènent au château et au cimetière principal de Nice. Un panorama extraordinaire permet d’embrasser les Alpes, la baie des Anges et la promenade des Anglais. Le cimetière du château reçoit au quotidien un très grand nombre de visiteurs italiens qui viennent se recueillir sur la tombe du héros Niçois : Garibaldi. Même si ce dernier n’y repose plus depuis longtemps. L’épitaphe est incontournable : A la mémoire impérissable du plus illustre Niçois. On y trouve aussi les tombes de Léon Gambetta et de Gaston Leroux, le père de Rouletabille. Celle de Marguerite Matisse, Jouan Nicola, Agathe Sasserno, Anita et Rosa Garibaldi, menica rondelly le barde auteur de nissa la Bella et bien sur des familles Giordano sans qui ce lieu de repos ne serait pas tout à fait Niçois …
Le mausolée le plus insolite reste cependant celui d’Emil Jellinek. Une plaque posée devant le tombeau explique : « il a brillamment contribué au développement de ce nouveau moyen de transport. Son patronyme est intimement lié au nom de Daimler-Benz. En 1901 il a donné le prénom de sa fille Mercedes aux produits de la Daimler Motoren Gessellschaft.
Emil Jellinek consul de l’empire Austro-hongrois et hommes d’affaires fortuné habitant Nice, est un client fidele de Daimler, précurseur de l’automobile. Passionné du volant, il organise plusieurs courses dans la région de Nice auxquelles il participe. Témoin d’un tragique accident au cours du rallye Nice-La Turbie, il demande à Daimler de respecter un cahier des charges qu’il a lui-même rédigé, améliorant la sécurité et abaissant le centre de gravité de la voiture. Il acceptera de participer financièrement à l’élaboration de ce véhicule à la condition que celui-ci porte le prénom de sa fille âgée de 11 ans : Mercedes. En 1898 il ouvre une concession Daimler florissante à Nice dont il vend dix modèles en 1899 et vingt-neuf en 1900. Au début du XXe siècle, toutes les plus grosses fortunes de la planète passent l'hiver sur la Côte d'Azur qui est donc un endroit idéal pour le commerce de voiture.
Le 21 Mars 1899 à l’occasion du rallye Nice- Magagnosc (au dessus de Grasse 06), Jellinek mise sur Daimler qui prend pour la première fois le départ avec la marque de Mercedes. Deux ans plus tard, c’est l’ensemble de la gamme Daimler qui adopte cette appellation. En empruntant le prénom de sa fille, il venait de signer sans le savoir l’acte de naissance d’une marque automobile de réputation internationale qui est devenu un peu Niçoise ……….Les légendes continuent !
NISSA E LOU BRASIL
Nice est décidément une ville pleine de ressources. Son long passé, sa position stratégique méditerranéenne l’ont ouverte sur bien des horizons. Ainsi, ce continent américain si éloigné, a priori, n’est pas, pour notre ville, aussi étranger qu’on aurait pu le croire.
Au début du XVIe siècle, le duc de Savoie Charles III change ses alliances et choisit de se rapprocher des Habsbourg. Pour ce faire, il épouse, le 1er octobre 1521, en l’église des Dominicains de Nice Béatrice de Portugal dont la sœur Isabelle est mariée à Charles-Quint. Née en 1504, la jeune épouse est la fille de Marie d’Aragon et de Manuel Ier roi de Portugal. C’est sous son règne qu’à partir de 1495, les flottes portugaises se lancent dans l’exploration des rivages lointains et, qu’en 1500, une flotte, commandée par Pedro Cabral, découvre une terre inconnue : le futur Brésil.
Beatrice devenue duchesse de Savoie a été informée du spectaculaire développement de cette nouvelle colonie, avant de mourir, le 8 janvier 1538, encore jeune, et d’être enterrée dans la cathédrale Sainte-Marie, au château de Nice. Avec Béatrice de Portugal, les Niçois entendirent déjà parler du Brésil. Trois siècles plus tard, plusieurs d’entre eux allèrent y voir.
UN NICOIS " INVENTE " LA PHOTOGRAPHIE… AU BRESIL
Hercule Florence est né à Nice le 29 février 1804. Il fait ses études dans notre ville puis décide de faire le tour du monde. En 1824, il débarque à Rio de Janeiro. Après un an de travail dans un atelier de typographie et une librairie, il se lance dans un voyage au cœur du pays, participant à une expédition scientifique dont il est le dessinateur. En 1830, il épouse une Brésilienne et s’installe à Sao Carlo, petit bourg de 7000 habitants. Il se consacre alors à ses premières recherches des techniques de reproduction. Il conçoit une méthode d’impression, la polygraphie, dont il tente d’appliquer les principes à l’impression des tissus qu’il vend dans son magasin. Dans le même temps, il continue à dessiner et se met à étudier la lumière. Il développe une technique de représentation visuelle sur des feuilles de papier percées de minuscules trous pour créer un peu de reflets et de lumière.
Les originaux doivent être placés devant une ouverture exposée à la lumière du soleil, à l’intérieur d’une pièce obscure. Il acquiert alors l’intuition que l’on peut fixer les images extérieures projetées dans cette camera obscura. Informé des propriétés du nitrate d’argent, il écrit une première note concernant la " photographie " dans son journal à la date du 15 janvier 1833. Cinq jours plus tard, il fait le compte-rendu de sa première expérience avec la chambre obscure. Dans le même temps, en Europe, bien plus près des centres intellectuels et scientifiques, d’autres découvraient le même procédé. Comme il l’écrit lui-même, " une même idée peut venir à deux individus ". Tout dépend de qui en parle en premier…
LE BRESIL, TERRE DE SCIENCES POUR UN AUTRE NICOIS
Jean-Baptiste Vérany (1800-1865). On connaît surtout ce savant niçois pour ses recherches naturalistes et son rôle de fondateur du Muséum d’Histoire naturelle de la ville (en 1846). Pharmacien et chimiste de formation, diplômé de l’Université de Turin en 1819, il vit sa vocation de naturaliste s’éveiller au fil du temps. Il est sollicité, en 1832, par le gouvernement (Royaume de Sardaigne), pour prendre part à une expédition scientifique sarde autour de l’Amérique du Sud. Il s’embarque alors sur une frégate de la Marine royale, l’Eurydice, et, à son retour, offre une magnifique collection d’oiseaux exotiques prélevés dans la forêt brésilienne à son musée, qui les détient encore. Le 8 septembre 1836, il communiquera le résultat de ses recherches à l’Académie royale des Sciences de Turin.
JOSEPH GARIBALDI AVEC LES REPUBLICAINS BRESILIENS
En 1807, les troupes de Napoléon Ier envahissent le Portugal et Jean VI, son roi, se réfugie au Brésil. Mais en 1822, profitant du retour du roi à Lisbonne, le Brésil se sépare de sa métropole et le fils de Jean VI en est couronné empereur sous le nom de Pedro Ier. En 1831, ce dernier abdique en faveur de son très jeune fils qui devient à son tour empereur du Brésil sous le nom de Pedro II. Le gouvernement est alors aux mains des libéraux, favorables au fédéralisme, mais des révoltes républicaines éclatent dans plusieurs provinces du Sud. Et voilà qu’on y trouve un illustre Niçois : Giuseppe Garibaldi qui choisit de se retourner vers les républicains brésiliens.
Ceux-ci viennent de créer, en sécession de l’Etat central, la république du Rio grande do Sul, dont le principal dirigeant est Bento Gonçalvès, conseillé par le marquis italien Livo Zambenari. Garibaldi met son petit navire de cabotage au service de la république et se livre à la guerre de course. Le 8 mars 1837, le Mazzini quitte Rio avec huit hommes à bord. Il s’empare d’une goélette autrichienne chargée de café, ce qui lui permet de poursuivre son combat avec un vaisseau plus adapté et un équipage augmenté des cinq Noirs qui armaient le navire pris. Mais il est pourchassé par une flottille « rosbeef », attaqué, blessé et contraint de se réfugier en Argentine pour se faire soigner. Surveillé par la police, emprisonnée, torturé, il s’évade et gagne Montevideo dans l’idée de rejoindre le Rio grande do Sul. C’est alors qu’il attaque une petite ville, Laguna, où il rencontre Anita Ribeiro da Silva, jeune femme au tempérament enflammé. Solidaire dans les combats malgré la reprise de Laguna par les Impériaux, le couple doit à nouveau fuir.
Dans cette fuite naît son premier enfant, le 16 septembre 1840. Pendant plusieurs mois, avec leur enfant en bas âge, ils mènent des combats de guérilla dans la forêt puis Garibaldi apprend que Mazzini, de son exil londonien, cherche à reconstituer le mouvement républicain italien frappé par des échecs successifs. Il gagne alors Montevideo. Cette ville et sa région (le futur Uruguay) sont en effervescence car ses habitants revendiquent leur indépendance à l’égard de l’Argentine. Garibaldi forme une légion à qui il donne une chemise rouge pour uniforme et devient, par sa bravoure, le commandant en chef des troupes uruguayennes. Mais, en 1848, le vent de liberté qui souffle en Europe le rappelle à Nice, où il arrive le 21 juin 1848 avec sa femme et sa famille. Il se jette alors dans la guerre pour la liberté de l’Italie, toujours avec Anita.
L’EMPEREUR PEDRO II A NICE
Pedro II sera un hôte régulier de notre région à la fin du XIXe siècle. C’était un homme d’une grande intelligence et d’une extraordinaire culture, parlant plusieurs langues (dont l’hébreu, le grec, le sanscrit… et le Nissart), linguiste et traducteur renommé, correspondant de Pasteur, Victor Hugo et F.Mistral, apparenté à toutes les grandes familles royales d’Europe. Avant et après sa chute, il séjourna longuement sur la Côte d’Azur (1887, 1890-1891, logeant à Cannes mais venant volontiers à Nice. Comme tout bon hivernant de l’époque, il assiste au carnaval aux côtés du baron de Bellet, dont le frère est consul du Brésil à Nice et sa fille organisera, à Petrópolis, la capitale impériale du Brésil, une bataille de fleurs directement inspirée de celle de Nice.
Ainsi, malgré la distance, Nice et le Brésil ont partagé des personnalités fortes, à travers le temps. L’essentiel est de rappeler, par ces exemples, combien Nice est à la fois enracinée et ouverte sur le monde et combien cette ville est tout a fait differente de toutes les autres villes Francaises.