La foire des tardons de Guillaumes (06) est la dernière vraie foire aux moutons, lieu de rendez vous de toute la profession à l’entrée de l’automne. C'est la plus importantes foires ovines du Sud-est de la France. Lieu de rencontres et d'échanges de toute une profession (maquignons et éleveurs), elle constitue un révélateur des tendances du marché, le prix du mouton est fixé pour l'année, conférant à cet événement un poids des plus importants dans toute la région.
Descendu à pied des alpages aux premières lueurs de l'aube, les agneaux nés au printemps qui n'ont connu comme seule nourriture que le lait de leur mère et l'herbe tendre des pâturages, attendent sur le champ de foire de trouver preneur. En général, les brebis n’ont qu’une portée par an à une période bien déterminée. Mais lorsqu’elles ont une deuxième portée dans la même année, elles donnent naissance aux Tardons. Ces agneaux qui sont élevés sur les hauts plateaux descendent alors à l’occasion de la foire de Guillaumes. C’est l’occasion de faire le plein de produits de saison tous issus du terroir des Alpes Maritimes.
A la belle saison, presque sur chaque montagne, le promeneur rencontrera un troupeau gardé. Tout ici montre que depuis fort longtemps la vie pastorale est omniprésente, comme en témoignent les noms de cols ou vallons de l'arrière pays niçois: Estrop vient du mot "stropia" qui veut dire troupeau, "Cayolle" désigne un enclos nocturne pour les troupeaux et l'abri du berger.
La foire aux tardons de Guillaumes existe depuis le XVIe siècle. Lieu de rencontres et d'échanges des habitants de la vallée, elle attirait de nombreux marchands de bestiaux venant du Sud, du Sud Ouest et même du Centre de la France. Elle comptait parfois plus de 25 000 têtes de bétail : ovins et bovins en majorité. Une coopérative laitière vit le jour en 1903 à Guillaumes.
Dans la plus pure tradition guillaumoise, la foire de septembre est le grand rassemblement des bergers qui vendent leur cheptel. La foire aux tardons, rendez-vous authentique, est le moment où les bergers présentent des agneaux nés au printemps et ayant passé tout l'été dans les alpages. Au total, ce sont plusieurs centaines de bêtes de qualité qui ont égayé la quarantaine de stands divers et variés venus s'installer pour la journée : produits locaux, vêtements, outillage, sans oublier la grande part faite aux stands de laine.
En effet, à la traditionnelle foire aux tardons, s'est rajoutée celle de la laine. L'association Artefact ayant à cette occasion présenté un superbe défilé avec des modèles portant des vêtements entièrement fabriqués en laine des Alpes Maritimes. En tout, ce sont donc plus d'une dizaine de stands consacrés à ce noble matériau qui étaient regroupés : filage, feutrage, démonstrations de tisserand... Une filière laine « Le but est de jeter les bases d'une filière laine dans le haut-pays et de penser cette filière dans le département ».
Les bergers vous proposent de découvrir l’univers pastoral des Alpes Maritimes qui répondent par leurs activités à la mission première du Parc national du Mercantour, celle de la conservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel du massif. Le maintient des activités traditionnelles contribue à la conservation de l’identité paysagère du massif.
Les bergers de la région élèvent des Mourre Rous (prononcé « Mourré Rousse ») appelée aussi « la rouge de Péone », une race aujourd’hui moins répandue, quoique bien adaptée aux montagnes alpines : « elles adorent crapahuter, ce qui est contraire aux Mérinos ou autres. C’est des bêtes qui marchent beaucoup aussi. Leur seul désavantage, c’est qu’elles ont très peu de laine, ce qui pose le problème du froid, de Novembre à Janvier, avant de les rentrer en bergerie ; mais les éleveurs du coin ont trouvé la solution : parmi les béliers reproducteurs, il y a maintenant des mérinos. Ce croisement permet, sans dénaturer profondément la race, d’obtenir des bêtes mieux adaptées au climat de la haute montagne.
La plupart des bêtes sont à vendre pour la viande ; ils ne font pas de fromage, et le prix qu’ils tirent de la vente de la laine leur remboursent à peine le coût des tondeurs. Ils vendent leurs agneaux, nés au courant du mois de mars en bergerie, le 15 septembre, lors de la « foire aux tardons » et le 9 octobre, lors de la « foire concours », qui se déroulent toutes les deux à Guillaumes.
Ballot de laine de mouton de Péone
Lors de ces foires, c’est leur revenu de l’année qui se joue, autant dire que ses deux moments sont déterminants pour les éleveurs. Cette année de canicule, les bergers ont eu bien du mal à trouver un herbage de qualité, sans compter que l’eau a fait défaut dans nos vallées ; les précipitations y ont été peu nombreuses pendant plusieurs mois.
Pendant la foire de Guillaumes, l'un des bergers m'expliquait son périple pour venir ici. Descendu deux jours plus tôt d'un hameau de la vallée avec les agneaux destinés à la vente, la veille de la foire a été occupée par la pesée des bêtes à la bergerie familiale. Réveil très matinal le 15 septembre, puisqu’il faut presque deux heures pour se rendre à pied jusqu’à Guillaumes ; aidé de son père et d’un « flouca » (désigne le bouc châtré qui dirige le troupeau), l’éleveur arrive avec son troupeau sur « le champ de foire » vers les 7 heures.
Les employés communaux lui désignent alors l’enclos qui lui est réservé : de simples barrières de voiries mobiles délimitent un espace clos, déterminé en fonction du nombre de têtes déclarées à l’avance par le vendeur. Il s’agit alors de trier mâles et femelles, car les deux sexes n’ont pas la même valeur : les mâles seraient plus gras que les femelles, du moins seraient préférés par les bouchers. Une barrière de bois, tenue de simples bouts de ficelle, sépare les agneaux.
Tout cela se déroule sous l’œil avisé des acheteurs qui sont là dès la première heure ; les « maquignons », reconnaissables à leur blouse noire, tâtent les croupes des bêtes pour juger si elles sont bien engraissées. Les négociations commencent alors, entrecoupées de prise de nouvelles des familles, de blagues… vendeurs et acheteurs se côtoient en effet depuis des années voire des décennies pour les familles de souche niçoise.
Le Castrum de Guillermo , chateau de la Reine Jeanne
Le maquignon se renseigne sur le poids total du lot et propose un prix noté sur sa main qu’il montre à l’éleveur. Vers 10H30, trois italiens arrivent ; ils cherchent à acheter 5 têtes de Mourre Rous. Comme ces bêtes vont passer dans un autre pays, il faut mentionner le numéro de chacune d’entre elles sur la facture. Les négociations et les ventes continuent comme cela le reste de la journée.
Ensuite il restera à notre berger la Foire Concours d’octobre pour vendre ses derniers agneaux ; après avoir quitté les pâturages vers la mi-octobre, il mènera son troupeau en bas de la vallée. Cette transhumance inverse lui permet de retarder au maximum l'entrée du troupeau en bergerie : mais ceci est une autre histoire...
Apres avoir fait le tour du chateau de la Reine Jeanne (encore un autre) , Je reprends ma route en passant par les gorges du Daluis pour rejoindre Nice. Les gorges forment d'immenses parois taillées dans le schiste rouge, au fond de ces "canyons" à plus de 300m d’à-pic coule le Var dans des décors sauvages et féeriques.
Parfois appelées "Le Colorado niçois", le Daluis offrent une virée en moto d'envergure à la réputation justifiée. C'est un monde minéral datant du fond des âges géologiques qui découvre ses entrailles au visiteur éberlué. A voir absolument si on ne veut pas faire le long voyage du Colorado Americain. (revoir mon article ici)
*je conseille absolument deux livres pour ceux qui aiment le pastoralisme:
Berger d'en haut : la vie d'un éleveur à Péone dans le Mercantour de Michel et Marie-Louise Gourdon
et Mémoire d'en haut du meme auteur aux éditions du Cabri . Dans toutes les bonnes fnac
DIAPORAMA DE LA FOIRE