Je suis ravie d’avoir pu franchir à l'occasion de la journée du patrimoine le grand portail du palais des rois de Sardaigne qui ne se visite pas en temps normal et de visiter les appartements d’apparat de la monarchie Niçoise dans le Vieux-Nice. Vraiment royal, et même impérial ! Tout en haut du grand escalier, c’est d’ailleurs l’impératrice Eugénie peinte par Winterhalter, qui nous accueille. Il y a 150 ans, Naboléon III et son épouse ont scellé ici le rattachement du comté de Nice à la France. Le palais des rois de Sardaigne est alors devenu préfecture des Alpes Maritimes. L’une des plus belles, des plus fastueuses du territoire national.
On se bousculait, on se piétinait pour voir cette merveille du patrimoine Niçois. Le public se faufile dans l’enfilade des salons en s’extasiant sur la décoration, les fresques de Jules Chéret, les énormes candélabres. Les colonnes Corinthiennes de la salle des fêtes supportent le plafond décoré dans le style néo baroque. Au fronton, les armes de Nice, entourées de celle des sous préfectures de Grasse et Puget-Théniers. Clou de cette déambulation : la chambre où dorment les chefs d’État et autres personnages de marque.
Puis, voici la « petite » salle-à-manger : la table est déjà dressée. Mais c’est surtout la « grande » salle-à-manger qui impressionne, avec son lustre en verre de Venise. Là aussi, la table est mise, en prévision d’un futur banquet ? En 1960, Charles de Gaulle y a présidé un dîner de gala, à l’occasion du centenaire du rattachement de Nice à la France. Le palais de la préfecture, c’est mieux qu’un musée. C’est une maison où l’Histoire continue de s’écrire.
Le palais des rois de Sardaigne, situé dans le Vieux-Nice, fut de 1610 à 1861 un Palais dévolus aux ducs de Savoie, lesquels à partir de Victor-Amédée II de Savoie étaient rois de Sardaigne de Piémont et de Sicile. Il est inscrit et classé au titre des monuments historiques. Son entrée principale se situe sur le cours Saleya prés du marché aux fleurs. Il apparaît sur des vues de Nice au XVIe siècle. Il est cependant inauguré par Charles-Emmanuel Ier en 1613.Tous les ducs de Savoie et rois de Sardaigne y résidèrent durant leur séjour niçois. Ce palais fut un haut lieu des réunions mondaines du siècle dernier. Le palais continua à recevoir des embellissements. Ceux-ci étaient d’autan plus nécessaire que Nice était devenu la « capitale de l’Europe monarchique et aristocratique ».
Vue de la terrasse du palais
En 1814, lors de la restauration sarde, le roi de Piémont-Sardaigne Victor-Emmanuel Ier décide d'élever l’édifice au rang de résidence royale. Les appartements royaux réaménagés reçoivent du mobilier prélevé dans les palais de Turin et de Gênes. Durant l'hiver 1856, le futur roi d'Italie Victor-Emmanuel II y reçoit l'impératrice de Russie.
En 1860, après l’annexion de Nice, la résidence royale devient le siège de la préfecture des Alpes-Maritimes et continue d’être le cadre de brillantes réceptions. Napoléon III y reçoit le tzar Alexandre II en 1864, puis en 1889, Sadi Carnot y rencontre Léopold II de Belgique et Oscar II de suède.… Félix Faure y eut comme hôte le tsarévitch Nicolas. Le roi des Belges y fut invité en 1909 par le président Fallières, accompagné de Clemenceau. Après la guerre, le livre d’or a continué de s’enrichir de noms parmi les plus illustres de l’époque contemporaine.
Parmi les nombreux comtes, puis ducs de Savoie, puis rois de Sardaigne qui ont régné sur Nice de 1388 à 1860, il en est un qui a laissé de nombreuses traces dans le patrimoine niçois et une empreinte non moins indélébile dans la mémoire du comté de Nice : le roi Charles-Félix, dit Carlo-Felice. Charles-Félix est le cinquième garçon du roi Victor-Amédée III.
Sa politique d’embellissement de Turin et de Gênes rejoint celle de Nice. A l’occasion de son premier voyage officiel dans notre ville, en 1826, on restaure le Palais royal (palais des rois de Sardaigne), pillé par les révolutionnaires français. Sur ses instructions, on rénove le port Lympia, relançant ainsi l’économie niçoise, et on élargit le quai Rauba-Capèu qui le relie à la ville. Il fait achever la route Nice-Gênes (actuelle Grande Corniche) qui reliera enfin les 2 grands ports. Il commande aussi le pont Charles, enjambant le Paillon, permettant ainsi le développement du faubourg Saint-Jean-Baptiste, le long de la rive droite.
Nice change beaucoup sous le règne de Charles-Félix. C’est alors que naît la promenade des Anglais » lou camin dei Inglès » le premier chemin côtier de notre histoire, et qui deviendra le symbole de la Belle-Epoque. Cette même année, le roi cède à la Ville la colline du Château à charge pour elle de la transformer en parc public. Ouvrant sur le cours Saleya à son extrémité est, on crée pour sa venue une nouvelle porte qui prendra son nom. Côté rue des Ponchettes, on peut encore y lire l’inscription latine qui dit : " En hommage à notre bon roi de passage à Nice, nous lui ouvrons nos portes et notre cœur ". Une ville fière de sa modernité et confiante dans l’avenir, par ailleurs fraîche, claire et paisible.
C’est bien à Charles-Félix, le Carlo-Felice des Niçois, que l’on doit cette ville. C’est sans doute pourquoi les Niçois l’aimèrent. Ce ne sera pas le cas du seigneur actuel vassal d'un roi jacobin ...
DIAPORAMA DE LA VISITE DU PALAIS ROYAL