Les sédiments lie de vin des pilites de Daluis
Lieu de vertige surplombant les ravins de « terres rouges », Amen est probablement l’un des derniers hameaux des Alpes non desservi par une route en ce début de IIIe millénaire. Cela même en fait un objectif touristique majeur de la haute vallée du Var (le fleuve dans les Alpes Maritimes).
intersection balise 113 Amen et clue (une baisse est un col dans le langage niçois)
On y revivra le parcours des anciens mineurs et des orpailleurs à la recherche du trésor perdu d’Amen. De l’histoire de ces bâtisseurs téméraires, il ne reste qu’une légende dont les mots sont de pierres, dressées nostalgiquement vers l’azur.
Mine de cuivre abandonné
Après avoir visité Amen, son école transformée en gîte, sa chapelle Notre-Dame-des-Neiges en partie réhabilitée, ses habitations en grande partie délaissées depuis la Seconde Guerre mondiale, on ne pourra qu’être interpellé par l’existence autarcique qu’y menèrent plusieurs générations de mineurs-paysans.
On arrive au village d'Amen
Le hameau est abandonné. Seule l’église demeure et deux bâtisses en cours de restauration. Une source à la sortie du village et la descente commence le long d’un versant décapé comme une plaie ouverte : alternance de couches de pilite de différentes résistances qu’entrecoupent des traces de cuivre de quelque centimètres d’épaisseur et des blocs erratiques de gypse tombés d’une poche excavée en haut de falaise.
Le gypse est le liant des constructions d’Amen. Point de ciment. Une poche locale de gypse, un four rudimentaire et voilà le mortier des constructions. Aujourd’hui, il n’y a toujours pas de route qui conduise à Amen. Et pour vivre il faut trouver des ressources complémentaires comme la mine en hiver, quand la campagne est gelée et tous travaux des champs interdits.
Amen, on est enfin au bout !
En un siècle, entre 1820 et 1920, la vallée du Haut Var (Alpes Maritimes) perd un tiers de sa population. Certaines communes 80% de leurs habitants. Pour ces régions rurales par excellence, la Révolution industrielle correspond à une époque de dépopulation intensive, dépopulation déjà amorcée au siècle précédent.
Très tôt ces populations rurales ont dû intégrer la recherche d’un revenu d’appoint. Traditionnellement les jeunes gens (garçons et filles célibataires mais aussi jeunes mariés) assurent des migrations saisonnières. Plus de la moitié de la population quitte la vallée : les moissonneurs constituent des groupes de 3, la sauque, 2 coupeurs à la faucille et un(e) lieuse.
Durant deux mois tous les jeunes échappent ainsi à l’aspect coercitif de leur environnement familial. La mine est une activité hivernale d’appoint, très ancienne pour le paysan : le gisement de cuivre est connu dès la préhistoire. C'est à la fin de l'ère primaire et du permien, il y a 250 millions d'années que sont nées ces terres rouges.
Un village en ruine
L'érosion d'un massif cristallin très ancien a engendré le dépôt de vases fines mêlées de cendre volcanique dans une plaine inondable. Pression et chaleur ont transformé cette accumulation de sédiments en pélites. Leur couleur lie-de-vin résulte de l'oxydation du fer qu'elles contiennent. Neuf cents mètres de dépôts sont visibles sous la Cime du Barrot.
Les hommes descendent alors dans la gorge de Dalluis, 250 mètres au dessus du cours du Var, creuser des galeries au feu pour les premières d’entre elles, puis à la poudre, afin de rejoindre les filons de cuivre et en extraire le minerai. Ce minerai extrait peut contenir jusqu’à 12% d’arsenic : le cuivre natif est associé de façon constante à la cuprite, à des arséniures de cuivre, à l’argent natif, sous forme d’arborescences, de fils et, parfois, de cristaux millimétriques d’or natif et de fer natif.
Diocèse de Nice, une capitale du comté qui se trouve à une semaine de mulet
Ah le rêve de l’or !… Quelles précautions sont elles alors d’usage pour se protéger de l’arsenic ? Quelle est alors la durée de vie de ces hommes ? Faut il alors s’étonner que la Révolution industrielle provoque une telle hémorragie ? !! Pouvait on vivre sans foi ? Au dessus de la clue.
La chapelle Notre Dame des Neiges
Placé à l’écart du passage traditionnel des caravanes muletières depuis la fin du siècle, Amen, jadis florissant, va progressivement se vider avec un temps fort lors de la saignée de la grande guerre. Aujourd’hui et à la belle saison, un berger et quelques brebis peuplent encore les ruelles séparant les maisons abandonnées.
Au plus haut c'est l'école, en bas un gite
Mais derrière ce décor classique, d’un hameau victime de l’oubli des hommes attirés par les fascinantes lumières de la ville, se cache la mythique période de la recherche de l’or, à laquelle furent mêlés ses habitants. L’or a toujours fasciné les hommes et les traces de sa recherche sont encore visibles ça et là dans le sol des Alpes-Maritimes.
Mais un lieu particulier a toujours attiré et retenu les prospecteurs, il s’agit du vallon d’Amen. Si vous parcourez ce vallon, vous apercevrez parfois au détour d’une piste, dans une falaise abrupte, une cavité béante, obscure, que l’on pourrait prendre pour une grotte naturelle. Mais l’œil averti distingue la marque de l’homme dans le paysage : cabanes en ruines, grands éboulis de déblais qui dévalent la pente et dont la couleur plus vive ne s’est pas encore confondue avec celle de l’environnement.
Photo du haut: Abri pour les randonneurs en cas d'orage
Des hommes ont donc creusé là, dans des souterrains qui nous inspirent aujourd’hui méfiance et répulsion, mais vers quels objectifs ? Historiquement, il semble que tout ait débuté au XVIIIe siècle lorsqu’un paysan du village découvre un échantillon de minerai métallique à l’éclat jaune vif, qu’il descend porter au marquis de Villeneuve, seigneur de Daluis.
Ce noble personnage s’intéresse à la recherche minière, avec l’ambition d’exploiter les multiples filons cuivreux répartis le long des gorges. Prudent, le marquis expédia le minerai découvert à Aix, pour y être identifié par un savant de l’époque,. Confirmation sera donnée qu’il s’agit bien d’une pyrite à forte teneur en or.
intérieur d'une ruine
La présence de l’or est donc bien attestée, mais l’exploitation minière, rendue difficile par les moyens de l’époque, sera différée d’un siècle en attendant l’usage pratique des percements par explosifs d’une route. Il apparaît que le « trésor d’Amen » ne soit pas un mythe, et que, comme chaque fois, derrière la légende se cache une explication historique et scientifique souvent simple.
Les raisons obscures qui décidèrent de l’abandon de ce tracé historique ne s’expliquent pas par les seuls impératifs de la voie ferrée Nice - Puget-Théniers - Pont de Gueydan. L’ouverture scabreuse de la route dans l’entaille fantastique des gorges de Daluis, confirme amplement qu’on a préféré la difficulté au choix plus sage d’un passage par le col de Roua et le hameau d’Amen.
Four à pain au hameau
L’explication de cette hérésie au bon sens est encore connue des anciens. Au moment d’établir les plans de la nouvelle route, un notable en renom usa de son influence pour éviter à tout prix l’ouverture de terrassements dans la traversée du site d’Amen, maintenant ainsi le hameau et ses campagnes à l’écart du passage. Cette chasse gardée n’aurait eu d’autre intérêt que la richesse du sous-sol.
Des fouilles discrètes menées à l’aide de moyens modernes confirmèrent les espoirs de l’intéressé et l’or ne fut pas perdu pour tout le monde. Il ne reste plus aujourd’hui que les miettes du festin, un village déserté par ses habitants, et une merveilleuse histoire qui hante encore la mémoire. L'étonnante diversité de ce département des Alpes Maritimes a contribué à sa légende dans le monde entier...
juste le bruit d'un corbeau et on repart dans un silence de cathédrale..
* seulement 30% de la population des Alpes Maritimes se trouve dans les 70% de territoire composés de montagne dans le département. Encore aujourd'hui, certains villages en hiver vivent en complète autarcie. Des villages comme Granile, et Mollieres sont toujours sans électricité à l'époque des réseaux informatiques et du numérique et de la 4G.
