La Vallée du Var, le fleuve prend sa source dans le comté de Nice à 1790m d'altitude
Ancuei, anen si proumenà dins un bèu vilage soubre lou flume Var, Amen (Countèa de Nissa)... Accessible par le chemin historique du hameau minier homonyme, le circuit d’Amen, à la fois spectaculaire et esthétique, entaille le massif de pélites rouges du Dôme de Barrot pour se jeter dans les eaux du Var juste à la sortie des gorges de Daluis.
Par son étroitesse extrême et la hauteur de ses falaises finales, mais surtout par son ampleur et son engagement, ce parcours réputé nécessite une condition physique et une compétence technique irréprochables, gages de célérité et donc de sécurité.
Dés le départ de la rando, on aperçoit un chamois
En effet, aucune échappatoire n’existe une fois qu’on est engagé dans la partie supérieure de la randonnée qui n’offre par ailleurs aucune zone abritée en cas de brusque orage sur le Dôme de Barrot (2 136 m). Les roches composées de fer attirent l'éclair tueur...
La montée dans la caillasse est très dure... en cas d'orage, vous etes sur du fer !
On attendait le mois d’Octobre pour faire cette randonnée car en Juillet et Aout la chaleur est exactement la même que si vous seriez proche du cratère d'un volcan. Autant vous le dire tout de suite, cette randonnée est déconseillée en cette période au risque de mourir d’hyperthermie.
On arrive au premier palier
Avec 28° au mois d’Octobre à 1600m d’altitude, autant vous dire que l’on en a bavé ! Les deux litres d’eau se sont avéré insuffisant d’autant plus que le corps les a rejeté très vite… C’est la partie haute de la randonnée ou il n’y a plus de foret qui est difficile. Le sentier, balisé en jaune, débute sous le surplomb du Pont des Roberts.
Le second palier monte encore plus raide et les cailloux roulent sous vos pieds
Quelques chutes de pierres entravent les premiers mètres puis le sentier sous l’ombrage des chênes, des pins, des érables, de noisetiers, de hêtres aussi, gagne doucement en hauteur rejoignant les anciennes pâtures, rencontrant les ruines d’anciennes bâtisses, passant en contrebas de hameaux accrochés à flanc de gorge, souvenir craintif de la puissance des eaux et des crues dévastatrices qu’elles généraient avant la domestication du Var.
La Chaine du Mercantour avec le Pelat et les aiguilles de Pelens (3051m) Alpes Maritimes
A nos pieds, sur l’autre versant, les gorges de Dalluis (appelé aussi le Colorado niçois) creusées dans la pilite, une roche sédimentaire tendre remontant à l’ère primaire. Riche en oxydes de fer elles lui valent ce rouge sombre caractéristique. Un trait blanc longe l’abime : la route, 17 tunnels, autant de ponts... et 270m plus bas, les eaux troubles du Var, impétueuses, occupent tout le fond du canyon.
Ici, nous sommes en moyenne montagne
Les Monts St Honorat, du Carton, du Grand Coyer et la pyramide de la Frema, qui se détache régulière sur la crête qui fuit en direction de l’Autapie, couronnent le site de leur majesté. Le parcours se présente sous forme d’une boucle qu’il convient de parcourir dans le sens des aiguilles d’une montre:
La route qui surplombe les gorges du Daluis Alpes Maritimes (le Colorado niçois)
d’abord rejoindre le hameau abandonné d’Amen (1450 m) en quittant la voie romaine à la balise 112 puis descendre vers la clue d’Amen, rejoindre un canyon latéral hérissé de colonnes de pilite et le longer en direction de la gorge du Dalluis selon la courbe de niveau que suit la voie romaine.
Le Colorado niçois (le fleuve Var passe dans les gorges rouges) impressionnant à faire en moto
Au loin, le paysage est rouge brun. La végétation rabougrie est constituée d’amélanchier, de buis.... le sentier suit plus ou moins la courbe de niveau. On aperçoit deux bâtisses abandonnées au pied d’une falaise instable, la pilite rougeâtre comme décors, un bassin de rétention datant de Mathusalem avec en arrière le Mont St Honorat....voilà une photo inoubliable, d’une sombre beauté : elle contient, elle résume toute la cruauté, la pénibilité de la vie rurale au début du XIXe siècle…
Troisième palier, de plus en plus dur !
On arrive bientôt à Amen et je comprends mieux pourquoi, on a donné ce nom à ce hameau quand enfin, on devait l’apercevoir ! Amen est un de ces hameaux perdus où se confondent l’histoire et la légende. Il faut dire que le site est propice. Ce village aujourd’hui désert est accroché sur le bord d’un val creusé par un torrent, qui s’engouffre dans une clue impressionnante, pour plonger dans les fantastiques gorges rouges de Daluis.
Ici, on se croirait en Arizona ou dans le Haut Atlas marocain plutôt qu’en France. De nos jours, pour atteindre ce lieu isolé il faut grimper à pied pendant plus de trois heures, depuis le pont des Roberts à 767 m d’altitude et à la balise 111, il faut remonter vers le Sud l’antique voie muletière datant des Romains qui fut très longtemps la principale communication désenclavant Guillaumes et le Val d’Entraunes pour rejoindre Puget-Théniers via le col de Roua. ( Article 1 et 2 )
C’est en suivant cet étroit sentier muletier, qui contourne depuis toujours les « chalanches », ces versants chaotiques à pic sur le fleuve, que le voyageur parvenait à Nice la capitale du Comté. Ce chemin est resté l’unique débouché de la haute vallée du Var (le fleuve, pas le département), avant que ne soit creusée la route carrossable tranchée à travers les gorges.
Col de la Cayolle (2326m), Col des Champs (2087m), source du Var à 1790m et les Aiguilles de Pelens à 2523m (AM)
Parvenu au village, bien exposé au midi, sur un coteau abrité, on y découvre quelques masures groupées autour d’une modeste église, seule construction encore épargnée par la destruction avide des « récupérateurs » de matériaux les plus divers. Les toits ont été démontés et emportés, laissant apparaître le squelette des poutres faîtières, offrant l’intérieur des bâtisses aux outrages du temps qui y favorisent les orties et les ronces.
L’école est encore identifiable, proche d’une solide demeure de deux étages juste à coté de la cabane ou il est mentionné « Abrit » pour les randonneurs surpris par les terribles orages dont la violence est redoutable.
Le dernier habitant a fait ses bagages pour rejoindre le chef-lieu (Guillaumes) au lendemain de la seconde guerre mondiale. Jusque là, un curé et un instituteur veillaient sur le destin d’une population voisine d’une centaine d’âmes.
On trouve une palette et une poutre en bois pour improviser une table à manger et faire notre pique nique. Ensuite nous visiterons le village avant de redescendre pour reprendre notre véhicule.
Ce circuit de moyenne montagne se déroule en balcon sur les gorges de Daluis et d'Amen, dans un environnement minéral, supra- méditerranéen. Rouge de la roche mère, turquoise et bleu des minerais qu'elle recèle, jaune de l'or recherché et des genêts fleuris, vert des coussinets d'euphorbe, noir des galeries minières, le circuit d'Amen est un tableau naturel plein de couleurs et d’histoire.
Si, attiré par la beauté sauvage du site dantesque que constituent les gorges rouges de Daluis, vous parcourez la route qui les traverse, arrêtez-vous au « Point Sublime ». En face, sur la rive gauche, vous remarquerez la clue étroite d’Amen et dans la falaise dominant les eaux tumultueuses du Var de quelques 250m, un groupe de cavités sombres taillées au-dessus du vide.
Entaille spectaculaire de plus de 900 mètres ou le Var serpente au soleil dans la vallée
Elles témoignent mieux que tout de la passion qui peut animer l’homme stimulé par le désir de conquête de l’ardent métal. C’est dans mon prochain épisode que je vous ferai découvrir ce village minier abandonné et l’histoire des chercheurs d’or dans les Alpes Maritimes qui au traité de Turin de 1760, sa frontière sera de nouveau rectifiée et le territoire de Daluis sera détaché du Royaume de France, pour revenir à celui de Savoie-Piémont-Sardaigne.
L'automne donne des signes dans la haute vallée du Var (Alpes Maritimes)