Pitigliano la cité du tuf
Au cœur de la Toscane, six siècles de coexistence pacifique entre juifs et chrétiens ont laissé leur empreinte. L’histoire des Juifs de Pitigliano remonte au moins au début du XVe siècle. Les registres font état d’un petit nombre de marchands et de banquiers juifs venus s’installer à l’intérieur des murs de la ville.
Pitigliano un petit Matera
Au fil des décennies, de nombreux juifs arrivent de Rome, fuyant l’autorité catholique centralisée des Etats pontificaux, qui se taillent la part du lion dans l’Italie centrale, juste au Sud de Pitigliano. Ces états pontificaux que le niçois Garibaldi a combattu farouchement.
En 1555, le rabbin et médecin italien David de Pomis déclare Pitigliano « ville de refuge ». Dès 1598, le village possède sa première synagogue. Deux siècles plus tard, le lien entre juifs et chrétiens locaux est définitivement établi quand ces derniers s’élèvent pour protéger leurs voisins des mercenaires français qui traversent la ville avec l’intention de mettre à sac le ghetto juif.
les falaises de tuf de Pitigliano
Les générations se suivent et la communauté est florissante. De nouveaux arrivants des villes voisines à la population juive trop réduite pour être viable viennent grossir ses rangs. Pour un temps, la ville possède un journal juif, une école juive et même un siège au conseil municipal.
Au milieu du XIXe siècle, la communauté compte plus de 400 membres, soit un huitième de la population. Dans toute l’Italie et même au-delà, Pitigliano est surnommée « la Petite Jérusalem ». Mais l’unification de l’Italie, en 1861, porte un coup fatal à la communauté juive de la ville. De nombreux résidents, désormais libres de voyager dans tout le pays, choisissent de s’établir à Rome, Florence, Livourne ou dans d’autres villes.
Au moment où le gouvernement de Mussolini adopte les lois raciales, en 1938, il ne reste plus qu’une soixantaine de juifs sur place. L’unification de l’Italie a réduit de manière conséquente la taille de la communauté juive de Pitigliano. Mais celle-ci faisait encore partie de l’identité de la ville. Le pire est cependant encore à venir.
Aqueduc et Palais Paolo Giordano Orsini*
Les lois raciales mettent un terme à tout cela. Même si dans un premier temps celles-ci ne sont pas appliquées à la lettre à Pitigliano, elles interdisent toutes relations entre juifs et chrétiens : se rendre les uns chez les autres, voire se saluer dans la rue. Il est interdit à un chrétien d’avoir un employé juif et vice-versa. Idem pour les échanges commerciaux entre juifs et non-juifs. Les déplacements, même dans les limites de la ville, sont sévèrement limités pour les résidents juifs.
L'antique Ghetto juif
Néanmoins, la tolérance qui a fait la fierté de la ville reste encore visible malgré les apparences. Un prêtre local s’était porté volontaire pour continuer à instruire les enfants juifs, dont elle-même, en privé, pendant un certain temps. Car les carabiniers, la police paramilitaire, ignoraient bien souvent les ordres reçus de Rome, de surveiller ou fermer certaines activités juives dans la ville.
La plus grande manifestation de solidarité apparaît toutefois à partir de 1943, l’année de la chute du gouvernement de Mussolini. L’armée américaine commence à remonter l’Italie, mais la Toscane est encore aux mains des puissances de l’Axe. Les officiers nazis prennent alors le contrôle des bureaucraties locales. L’application des lois raciales se fait beaucoup plus stricte.
Pour la première fois, les juifs sont par exemple contraints de porter l’étoile jaune sur leurs vêtements. Les rumeurs de déportations vers les camps de concentration commencent à se répandre. Certains habitants prennent la fuite tandis que d’autres, se cachent à l’intérieur et à proximité de la ville, accueillis par des familles chrétiennes.
Cave creusé dans le tuf
Mais ils ne pouvaient rester très longtemps dans la même famille, de peur que les Allemands ne les découvrent. Aussi, ils allaient de maison en maison . Souvent, la police interrogeait les habitants qui cachaient des familles juives. Parfois, ils étaient battus. Mais pour la plupart, les cachettes restaient secrètes.
Souterrain de Pitigliano
Fin 1943, ils se réfugient dans des grottes. Les familles locales leur apportaient encore à manger et leur fournissaient aussi des couvertures. A la fin de la guerre, 22 membres de la petite communauté juive de Pitigliano avaient péri, la plupart d’entre eux après avoir été attrapés et envoyés dans les camps. Mais tous ceux qui sont restés cachés sur place ont survécu.
Seuls une vingtaine de juifs sont revenus vivre à Pitigliano après la guerre. Le reste des survivants est parti s’installer ailleurs. L’héritage laissé par six siècles de coexistence judéo-chrétienne à Pitigliano, reste la fierté de la ville dans son histoire d’un lieu de tolérance et de refuge pour ceux qui en avaient besoin.
Habitation troglodyte
Pendant des siècles, les communautés ont vécu en bonne intelligence, côte à côte, sans réelle friction entre les deux groupes. Cet esprit de tolérance et de fraternité est encore inscrit dans l’ADN de la ville. Un modèle que d’autres parties du monde auraient tout intérêt à imiter. Mais cet autre religion est resté avec sa barbarie du moyen âge !
Une visite de Pitigliano s'apparente à une promenade dans la ville des fées : le trajet pour y arriver nous plonge dans l'ambiance, quand on voit le bourg se découper sur le rocher en tuf comme un château de fables, on se sent catapulté dans une autre réalité. La magie ne cesse pas, elle grandit.
La promenade se poursuit par des voies étroites et pittoresques, et l'apothéose du spectacle arrive au moment où l'on jouit de la splendide vue que l'on admire du haut du bourg. Pitigliano est une découverte continue, et il est très difficile d'être déçu. Pitigliano, c'est Rocamadour puissance 10.
Entre l'architecture magnifique de l'Immeuble Orsini, d'origine médiévale et restructuré en Cinq-cents, la Cathédrale aux formes baroques, la Place Garibaldi, la vue de mozzafiato ou encore l'aqueduc du XVIIème siècle impressionnant, tout est fait pour vous séduire.
Sorano Cité du tuf
Mais la découverte de Pitigliano ne peut pas faire abstraction d'une visite dans l'ancien ghetto et de la belle Synagogue du XVIème siècle. Sous la synagogue ont été creusé dans le tuf différentes salles: une pour le bain rituel, la boucherie et la cave kascher, le four des azyme. Cette visite rend encore plus inoubliable la cité de Pitigliano.
Sovana cité étrusque
A proximité de Pitigliano se trouve deux villages étrusques qu’il ne faut pas éviter: Sorano et Sovana. Sorano est un bourg médiéval perché sur une colline en tuf. Très évocateur, le village présente un dédale de ruelles où s'ouvrent des cours et des portails en tuf très jolis. Creusées dans le tuf sont aussi les caves de Sorano, où l'on produisait le vin local.
Le village de Sovana, d’origine étrusque, se situe sur un promontoire. Ce petit bourg très calme aux ruelles bordées de maisons médiévales vaut le détour. PIitigliano, Sovana et Sorano, ces trois villages de la province de Grosetto, dites « Le Città del Tufo », présentent un intérêt architectural, historique et urbanistique tout particulier du fait d'être situés dans une zone d'origine volcanique parsemée de vallées profondes et d'énormes éperons de tuf truffés d'entailles rupestres autrefois habitées, utilisées aujourd'hui comme caves ou réserves agricoles.
Loin des trois grandes villes touristiques Florence, Pise et Sienne, la Maremme est une terre sauvage, vierge, rurale, un mosaïque de paysages qui s’étendent aux limites indécises : longues plages de sable, basses plaines qui longent le littoral, collines et plateaux rocheux, crêtes volcaniques, étendues marécageuses, forêts de châtaigniers.
synagogue de Pitigliano
Outre les paysages et la nature, la Maremme est aussi culture et histoire : elle a un patrimoine très riche, des sites archéologiques étrusques et romains, des bourgs médiévaux, forteresses féodales qui retracent presque trois millénaires d’histoire. Une région moins connu de Toscane…
Pitigliano illuminé de nuit
*Dans la famille, il y eu aussi Giordano Orsini qui fut Vice Roi de Corse au service du Roi de France et plus tard francisé en Jourdan des Ursins.
DIAPORAMA PITIGLIANO