Sur la route des gorges du Var
l'histoire complexe de Beuil (Boglio en italien) fut marquée par d'innombrables invasions, celles des Francs, des Lombards et des Sarrasins en particulier, entre l'an 500 et l'an 800, année où Charlemagne vint à Nice pour y établir un évêché et confirmer son neveu Hugues de Grimaldi dans son titre de Comte d'Antibes, réorganisant du même coup l'administration du Comté de Nice.
Le village de Beuil sur son piton rocheux
Vers la fin du Xème siècle, Othon roi d'Italie, empereur du Saint Empire Romain Germanique, fit don du rocher de Monaco aux Grimaldi pour l'avoir aidé dans le conflit qui l'opposait à la République de Gênes (la famille des Spinola contre les Grimaldi: Gibelins contre Guelfes deux dynasties opposées).
Beuil (boglio) connut le tournant d'une histoire fondée sur l'affirmation de soi au moment du règne de Guillaume Rostaing (1285-1315), un provençal brutal et belliqueux, lorsque celui-ci décida de remettre en vigueur le droit de cuissage. Une révolte de ses sujets s'ensuivit aussitôt et il mourut sous les coups de hache.
La maison du frére à Soso
Afin d'empêcher toute répression, les habitants de Beuil demandèrent la protection du puissant Andarro de Grimaldi, l'oncle de René de Grimaldi, alors seigneur de Monaco. C'est ainsi que les Grimaldi prirent le titre de seigneurs de Beuil, titre qu'ils gardèrent jusqu'en 1621 lorsque le Duc de Savoie remettra Beuil au Comté de Nice.
Après la mort de la Reine Jeanne de Naples (Giovanna di Napoli) les Anjous de Provence menaçaient toujours l’autonomie du Pays de Nice. Les Grimaldi se déclarèrent en faveur de Charles Duras (Charles de Durazzo, roi de Naples) et, selon une stratégie dont le but était de contrer les visées de Louis d’Anjou, ils demandèrent la protection d'Amédée VII de Savoie.
La Suisse niçoise
Le 2 Août 1388, Jean de Grimaldi, dont le règne fut le plus long (1368-1445) rejoignit d'autres seigneurs pour signer l'Acte de Dédition, par lequel Nice prêtait allégeance au Duc de Savoie. Ce faisant, les Grimaldi de Beuil mettaient leurs fiefs et propriétés diverses sous la protection du Comté de Nice, donc du Duc de Savoie. Le Comté de Beuil fut donc intégré dans le vaste Contado di Nizza.
C’est sous le règne d’Honoré II Grimaldi (1542-1591), homme fidèle à la Maison de Savoie, seigneur sage et avisé, très habile en politique que Beuil passa du statut de baronnie à celui de comté. Ce fut une période de calme, de paix et de prospérité. En 1591, son fils Annibal lui succéda avec la célèbre devise : « Sono il comte di Boglio/ Facia quello que voglio » (« Je suis comte de Beuil et fais ce que je veux »).
Eglise Notre Dame du Rosaire en haut
Et de fait, Annibal défendit le Duché de Savoie contre les armées de France et de Provence en 1600. Le comté de Beuil disparu le jour ou les barbares révolutionnaires venus de Provence attaquèrent le Comté de Nice et franchirent le Var sans déclaration de guerre. Les révolutionnaires français abolirent les privilèges lors de la célèbre nuit du 4 Août 1789, le Comte Mattéi qui vivait alors à Turin, et qui était devenu seigneur de Beuil, abandonna toutes ses terres, qui furent alors divisées et vendues à 42 habitants du village pour la somme de 6125 louis.
Une date très importante dans l'histoire de Beuil fut 1910, lorsque le Chevalier de Cessole, personnalité niçoise haute en couleurs, pionnier en matière de ski, se déplaça à Beuil avec les skieurs des Chasseurs alpins et, grimpant au sommet de la Tête du Sapet et s'apercevant de l'immensité du domaine, décida d'en faire une station de sports d’hiver.
Chapelle Saint Jean Baptiste en trompe l'oeil
1910 fut l'année du lancement du premier ski-club des Alpes Maritimes, qui organisa à Beuil le 28 Mars de cette année-là, la première compétition, présidée par le Chevalier de Cessole. Il était arrivé quelques jours plus tôt, accompagné de nombreuses personnes qui avaient pris le train jusque Pont de Cians et de là, des voitures tirées par des chevaux les amenaient à Beuil.
L'Hotel Millou construit en 1861 n'a pas changé
La plupart séjournaient à l'Hôtel Millou et dans les cinq autres hôtels dont Beuil s'était doté entre 1861 et 1892. Le 28 Mars 1910, donc, de nombreuses compétitions eurent lieu, ski de fond, saut, course d'obstacles avec des tonneaux et des seaux pleins d'eau à ne pas renverser… Jusque 1914, la réputation de ces manifestations ne cessa de grandir. Elles reprirent en 1920 après la guerre. En 1923, plus de 1500 personnes étaient présentes pour voir 60 compétiteurs.
En 1924, le Club de Sports d'Hiver de Beuil fut créé et en 1930 un tremplin fut inauguré dans la Condamine en présence de champions internationaux, dont Emil Petersen, champion olympique, et le Lieutenant Pourchier, originaire de Beuil, membre de l'équipe olympique française, initiateur du tremplin. La toute jeune Ecole de Ski de la Côte d'Azur* commença à organiser des leçons et des entraînements en 1933, comptant jusqu'à 300 membres l'année suivante.
Maisons en pierre séche, aux toits en bardeau de mélèze
Le 6 Janvier 1930, Beuil connut une belle heure de gloire avec l'inauguration de l'Hôtel du Mont Mounier, dans le quartier des Launes, dont l'idée revenait à Edouard Baudoin, le promoteur du Palais de la Méditerranée à Nice. Il s'agissait d'un hôtel de grand luxe avec salles de bains attenant à chaque chambre, comprenant 40 employés et 25 aides-cuisiniers.
Les façades, orientées au sud, sont percées de balcon sous toits, les "souleiaires"
Parmi d'autres célébrités, on voyait fréquemment la Princesse Aga Khan, le Comte de Béarn, la Comtesse Orsini et le Prince Obolenski. En Février 1937, Beuil inaugura son propre tremplin olympique, le seul de toutes les Alpes du Sud, ainsi qu'un remonte-pente dans le quartier des Launes, entièrement financés par le village.
Le doux parfum de l'authenticité
En 1938, 15 000 personnes assistèrent aux championnats de saut et la même année, le célèbre explorateur Paul Emile Victor eut l'idée de traverser les Alpes du Sud au Nord, partant de Beuil pour arriver à Chamonix en traîneaux à chiens. Pendant la deuxième guerre mondiale, Beuil se distingua en sauvant et en cachant un groupe d'Israëlites traqués par les troupes nazies.
Beuil Comté de Nice à 77 km de la capitale
Il ressort de cette longue histoire que Beuil est inséparable d'un esprit d'indépendance, d'entreprise, un esprit de défi, ainsi que d'une certaine fierté de posséder un passé de lutte, d'où une volonté forte d'affirmer son identité.
C'est sans aucun doute cette caractéristique qui explique l'attachement que l'on éprouve lorsque l'on se promène dans ses ruelles sinueuses et que l'on échange quelques mots avec les habitants. C'est cet esprit de résistance montagnarde, et son charme subtil, que tout visiteur ne peut que ressentir et apprécier.
27 Decembre 2015 la neige n'est toujours pas la.... 12° à 1450 m d'altitude
* De nos jours l'arriere pays niçois n'est plus nommé "Cote d'Azur" mais "Alpes d'Azur". A l'époque les veritables frontiéres de la Cote d'Azur allaient de San Remo Italie à Theoule sur Mer Alpes Maritimes en englobant la Principauté de Monaco.
DIAPORAMA BEUIL